Ce qui fascine chaque fois un peu plus dans Hellraiser, c'est que sous ses aspects de conte de fées sanglant, aucune morale n'est édictée ; la transgression a un coût, mais les règles sont claires, et le "méchant" n'est puni que lorsqu'il cherche à s'en soustraire. Un commerce, rien de plus. Les Cénobites ne sont que des huissiers venus d'en bas. Rien d'étonnant de la part d'un iconoclaste comme Clive Barker, perpétuellement en quête d'idoles à remplacer ou à pervertir.
Dans ce quasi huis-clos, la plongée dans l'abjection est donc aussi fascinante que repoussante. Chaque détail concourt à garder les yeux ouverts sur l'horreur : la chemise recouvrant la nudité extrême de l'écorché qui se nimbe progressivement de sang ; l'uniforme complexe mais seyant des Cénobites. La méticulosité des épingles, que l'on imagine plantées patiemment dans le crâne de Pinhead. Le cliquètement des chaînes. Le dessin de la boîte qui s'altère suite à on ne sait quelle manipulation.
Et cette chambre vide sous les combles, d'une crasse répugnante, dont les nouveaux occupants ne semblent pas avoir conscience. Comme si elle se situait en dehors du plan de la maison. Chaque personne qui y pénètre finalement, attirée par un appel insolite, voit son destin basculer - du côté de l'horreur, évidemment.
On a vite fait de catégoriser Hellraiser comme un film gore (et gore, il l'est assurément, qui plus est avec une imagerie inédite alors, et qui a fait date), mais c'est davantage son atmosphère étrange, une épouvante étouffante, servie par des acteurs étonnants, une lumière alternant crudité un peu rêche pour les scènes du quotidien, et baroque sombre pour les plongées de l'autre côté, qui emporte le morceau. De chair, évidemment.