Ma claque de la décennie.
Je dois en être à mon 5ème ou 6ème visionnage, et j'en redemande, tant ce film pose des questions vraies, des questions complexes, des questions justes, des questions simples...
Aussi simples et complexes que le sentiment amoureux lui-même, finalement :
C'est quoi, l'amour ?
Qu'est-ce qu'aimer ?
Est-ce qu'aimer virtuellement, c'est factice ?
Est-ce que la technologie nous déshumanise ?
Résumons d'abord un peu le gigantesque contexte de Her :
Dans un futur proche, dans lequel les gens, toujours plus connectés, se baladent dans la rue affublés d'une oreillette connectée (accessoire et évolution logique désormais indispensable au smartphone), Théodore vit mal son divorce et s'est enfermé dans une grande solitude. Travaillant dans une société de lettres manuscrites (l'humain "n'écrit" plus et fait appel à une troisième main pour rédiger ce qu'il a sur le cœur), il semble épancher sa soif de romantisme et de relation vraie en vivant celles des autres. Sous l'air bougon et maussade du moustachu, nous découvrons très vite que se cache un être extrêmement sensible, désillusionné et d'une grande gentillesse, traits accentués par les nombreux flash-back de sa vie maritale passée. Un matin, il tombe par hasard sur une publicité vantant les prouesses d'un tout nouveau système d'exploitation capable de réfléchir, de comprendre, et de ressentir : OS ONE. Il n'en faudra pas plus à Théodore pour s'en porter acquéreur. Se baptisant Samantha, la voix qui accompagnera désormais Théodore dans son oreille toute la journée va prendre peu à peu une place plus qu'importante dans sa vie, et découvrir qu'elle est bien plus qu'un simple ordinateur...
Maintenant que les bases sont posées, 'faut quand même que j'essaie de vous expliquer pourquoi je me suis pris une telle claque.
Spike Jonze nous dépeint un futur (très) proche aussi magnifique qu'effrayant. Tout y paraît aseptisé. Aussi bien les bâtiments que les gens (la mode semble être à la chemise unie par-dessus la chemise unie, et si possible bien, bien dans le pantalon), tout est rutilant. C'est beau, c'est propre, c'est vide, et ça n'a pas d'importance car Her est avant tout une histoire intérieure.
Tout le monde est avec tout le monde, pour que finalement, tout le monde ne soit avec personne. L'effet Her dans toute sa splendeur, accentué par les plans très larges nous montrant Théodore lorsqu'il marche dans la rue. On le voit entouré, et aussi seul que le reste du monde, plongé dans sa propre tête. Et dès que Théodore a un contact avec quelqu'un d'autre, on sent tout de suite que quelque chose ne va pas : Désirs sexuels inavoués et extrêmes, désespoir égocentré, quête de la perfection, il y a décidément quelque chose qui ne va pas dans ce monde parfait où l'humain, à force de chercher qui il est, se rend compte qu'il n'en sait rien et a donc besoin de l'I.A pour l'y aider...
Dans tout cela, la relation entre Théodore et Samantha va progressivement nous plonger dans tous les chapitres d'une véritable histoire d'amour, de la rencontre à la rupture, en passant par tous ces petits instants de la vie d'une romance. Vous savez... Ces petits moments parfois mielleux, passionnels, si riches en battements de cœur ou déchirants à souhait... Ces moments tellement importants car tellement anodins. C'est l'un des points forts de ce films : La performance de Phoenix qui, à travers son regard et ses réactions nous immerge entièrement dans sa tête et son cœur. On ne "suis" pas Théodore, on est Théodore.
Tiens, une autre question arrive, là, subitement : et si l'amour entre l'homme et la machine, c'est pas du concret, mais que les sentiments sont bien là ? Ça rend quand même les choses vraies, non ?
Parlons Samantha, maintenant. Et c'est à partir de cette parenthèse que je vais, je le sais, m'attirer les foudres de tous les puristes de la VO. Donc bon, d'abord, je l'ai vu en VO ET en VF. Et... la VF l'emporte. Me demandez pas pourquoi. Oui, j'ai trouvé que Scarlett Johanson était formidable, mais je me suis senti beaucoup plus transpercé par la voix d'Audrey Fleurot, tant elle a su donner du caractère et du sentiment à l'OS. Le romantisme, c'est un peu une affaire de Frenchies, non ? Bref ! Samantha, cet OS qui intrigue, qui passionne et fait tomber progressivement dans un incommensurable amour pour elle tant elle se montre à l'écoute de Théodore et déstabilisée par sa propre évolution.
Visuellement aussi, ce film est une claque. Ce fut probablement un travail d'orfèvre que de bannir du film au maximum les couleurs froides, telles que le bleu ou le vert afin de laisser la place aux nuances plus chaleureuses. Jonze ira même jusqu'à jouer avec ces couleurs selon le ton que prend le film. Du génie.
Je ne m'étalerai pas sur la BO, tant elle est cohérente avec chaque instant. (Je me la réécoute régulièrement, d'ailleurs, mais pour danser, c'est pas le top).
Quant au final... Jonze a tout compris. Car il a fait les bons choix, sur tous les plans.
C'est émotionnellement épuisé que j'ai fini le premier visionnage. Les autres m'auront permis de voir plus de choses, de tenter de répondre à d'autres questions, à comprendre qu'aimer, ben c'est tout simplement une affaire personnelle, une vision unique à partager, et que...
Maintenant, on sait aimer...
(Citation garantie sans faute d'orthographe.)
Un chef d'oeuvre dont je ressors grandi puisqu'il a su mettre en images des réponses à certaines de mes interrogations les plus profondes à propos de cette étrange petite chose qu'est l'amour.
NB : Je déconseille tout de même de regarder Her si vous êtes actuellement dans une situation amoureuse qui vous rend triste... Mieux vaut prévenir que guérir.