"La voix est la musique de l'âme" (Barbara)
Pressenti comme l'un des meilleurs films de 2014, "Her" est à la hauteur des attentes. À travers son histoire romantique sur fond de science-fiction, Spike Jonze nous livre sans doute son meilleur film.
Dans un futur proche, Los Angeles est sur-urbanisée, la technologie est partout, les appartements sont ultra modernes, les écrans ont envahi la vie quotidienne. Dans ce monde hyper connecté, des foules d'individus évoluent dans de vastes espaces, se croisent mais ne se rencontrent pas, chacun étant trop occupé à communiquer via son oreillette.
Cette ambiance futuriste paraît impressionnante, mais elle est surtout rassurante : les couleurs sont chaleureuses, les espaces épurés, les matériaux naturels, la technologie, bien qu'omniprésente, reste discrète. Spike Jonze nous livre une science-fiction qui se fait trop rare au cinéma, c'est-à-dire sans vaisseaux, aliens et autres gadgets délirants. Au contraire, l'univers futuriste de "Her" semble être le prolongement naturel et logique de notre monde actuel. Il est prosaïque, réaliste et gagne ainsi en crédibilité. Cependant, ce qui est le plus surprenant n'est pas tant la crédibilité de ce monde d'anticipation, mais la façon dont Spike Jonze nous le présente sans le juger. Libre au spectateur de l'apprécier pleinement et de s'en faire sa propre opinion.
C'est dans cet environnement futuriste très soigné que Theodore, pour combler sa solitude suite à son divorce, fait l'acquisition d'un système d'exploitation pourvu d'une conscience et d'une voix : Samantha. Peu à peu, une surprenante relation s'installe entre eux... Relation portée par l'excellent duo Joaquin Phoenix - Scarlett Johansson.
Joaquin Phoenix joue un homme ordinaire, simple, et surtout très seul, si bien que le moindre de ses sourires en devient bouleversant. D'une grande justesse, Joaquin Phoenix confirme avec ce rôle son statut d'un des meilleurs acteurs de sa génération.
Quant à Scarlett Johansson, elle n'apparaît évidemment à aucun moment, mais incarne, par sa seule voix, une intelligence artificielle éblouissante. Omnisciente et inaccessible, elle paraît pourtant si proche quand elle murmure à notre oreille avec une voix parfaitement nuancée. On se surprend soi-même à être ému par cette voix, grâce à la richesse des émotions qu'elle est capable de nous transmettre : joie, tristesse, compassion, jalousie...
Si au début elle est une simple compagnie pour Theodore, elle finit par lui devenir indispensable et une relation amoureuse s'installe entre eux.
Spike Jonze repousse ainsi les limites rationnelles de l'amour et nous interroge sur l'évolution possible des rapports de l'Homme à la machine, sur l'importance du contact physique dans une relation, l'obsession du contact exclusif avec quelqu'un, sur le rôle de l'imagination pour combler un manque, sur les infinies possibilités de l'amour...
Autant de pistes de réflexion que Spike Jonze met à la disposition du spectateur en lui laissant la liberté de les interpréter à sa manière. Et c'est aussi par cette absence de morale et de jugement que le film est remarquable.
D'un point de vue technique, il faut souligner que cette histoire d'amour hors du commun est superbement portée par un montage à la fois rythmé et mélancolique, ainsi que par la bande originale envoûtante signée Arcade Fire.
"Her" n'est donc pas seulement un film, c'est aussi une expérience fascinante qui résonne en nous longtemps après être sorti de la salle de cinéma.
Merci monsieur Jonze.