Theodore Twombly travaille chez belles-lettres-manuscrites.com. Il est plutôt solitaire, à la marge, le rapport social difficile. Et pourtant il écrit avec beaucoup de sensibilité les lettres de ceux qui ne savent pas le faire ou n'ont pas envie d'en prendre le temps. Aux allergiques : Her n'est pas un film de science-fiction, tout au plus de légère anticipation. A la vitesse où la technologie évolue, il pourrait prendre place dans quinze ans, peut-être même dix. Et à cette époque d'écrans omniprésents et technologie intelligente, Spike Jonze choisit de penser que les rapports humains en changent un peu. Presque pas en pire, en tout cas sans jugement, juste en différent. Oreillette allumée et écran à la main, on se regarde encore moins dans les transports, mais on se parle toujours en se croisant au travail. On est plus dans sa bulle, mais on voit toujours ses amis, on tombe toujours amoureux. Evidemment, c'est un peu moins le cas de Theodore, dans la tourmente d'une rupture avec son amour d'enfance. Il s'en retrouve un peu zombifié, alterne entre travail et soirées dans son appartement bien vide, jusqu'à ce qu'il décide de tester un nouvel "Operating System", doté d'une nouvelle intelligence et d'une capacité d'adaptation. Et sa voix féminine et douce, son naturel curieux, son absence de jugement vont transformer Theodore, et, là est la singularité de Her, tous deux vont développer une affection l'un pour l'autre.
Alors oui, Her ne parlera pas à tout le monde. En tentant d'expliquer le film à certaines personnes, on se heurtera à des regards lourds d'incompréhension. Moi le film m'a touché, probablement sur un plan personnel. Je n'en fais donc pas une critique de VRP tentant de démontrer ses qualités intrinsèques ; je crois qu'il m'a tellement marqué que j'avais besoin d'exprimer mon ressenti. Peut-être que je me suis, un peu, retrouvé dans le personnage hormis sa moustache, son côté un peu trop solitaire plutôt que d'affronter des rapports humains pas toujours parfaits. Peut-être que le thème m'a parlé, m'a questionné pendant le film, parfois m'a fait dire "mais c'est impossible ..." avant d'y croire dur comme fer cinq minutes plus tard. Peut-être que cette bulle de confort dans lequel s'enferme le personnage c'est un peu mon cas aussi, que je comprends le confort du virtuel plutôt que d'affronter la réalité. Peut-être que les amours impossible, un peu bêtes et virtuels, et surtout que l'amour en surmontant ses différences ça parle à un mec qui est tombé dans Edward aux Mains d'Argent la tête la première. Probablement tout ça à la fois allié à des acteurs irréprochables, Joaquin Phoenix en tête une fois de plus, mais aussi Scarlett Johansson, qui crève l'écran à l'aide de sa voix seule dans l'un de ses meilleurs rôles, et laisse un vide bouleversant à chacun de ses silences, et une fois la séance terminée ... et enfin au talent de Spike Jonze pour raconter cette histoire éphémère, à l'image de toute technologie, et à une bande son discrète mais prenante, planante, signée Arcade Fire, que j'écoute à nouveau, un peu dans une bulle. Comme son intelligence artificielle, Her a différentes facettes et ne parlera pas à tout le monde de la même manière. Mais après tout, l'amour, ça ne s'explique pas.