Régulièrement, on retrouve ce genre de films adulés par une génération branchouille en mal de repères qui se pâme devant une esthétique de prisunic, un sujet complaisant et une moustache racoleuse, parfois, sans trop qu’on sache pourquoi, l’adulation domine, devient contagieuse, même si tout cela se passe bien entendu à un niveau confidentiel et on se surprend à trouver ici et là une grande frilosité dans les très rares critiques mitigées, comme s’il y avait une fausse-honte à avouer s’être emmerdé comme un ragondin mort devant le film à la mode, ou à ne pas sentir son petit cœur battre la chamade devant les monceaux de niaiseries proposés par le dernier Spike Jonze.
Et pourtant, malheureusement et comme d’habitude, le film est un désastre.
Los Angeles 2025, Theodore travaille comme un nègre pour écrire des lettres privées à la place des autres à une époque où plus personne n’écrit de lettres de toutes façons, c’est malin… Mais attention, Théodore n’est pas n’importe quel écrivaillon, c’est un grand sensible, d’ailleurs, il porte des chemises oranges, c’est un peu le Paulo Coelho de l’industrie épistolaire, il émeut, il fait rire et pleurer, la preuve ils le disent cinq ou six fois dans le film et parfois ils le montrent, ce qui est plus sûr parce que les extraits abominables de « l’œuvre » de Theodore ne suffisaient pas forcément à nous convaincre…
Comme Paulo, Theodore se prend pour un écrivain et confond le mièvre et l’écriture, mais ce n’est pas grave, comme Paulo il a trouvé plein de gens gentils pour le défendre la larme à l’œil et l’arme à l’épaule, le spectateur civilisé, par contre, il souffre, la nausée le guette et il se demande pourquoi ce petit con incroyablement malpoli et égoïste ne se fait jamais engueuler pendant le film alors qu’il est insupportable de la première à la dernière seconde…
Ce qui est bien en 2025 c’est que c’est tout pareil que maintenant en pire, et avec des couleurs marronnasses, le connard de merde s’habille juste un peu plus mal, il parle juste un peu plus souvent tout seul sans avoir l’impression de déranger et il écoute toujours de la soupe en vivant comme un ado attardé dans une sorte de cauchemar permanent où les rares sorties font encore plus peur que la solitude habituelle et méritée du héros révulsant.
Joaquin perd ici toute la subtilité qu’il avait péniblement gagnée chez Gray et retrouve les défauts de ses rôles monolithiques des débuts, le sourire benêt est presqu’aussi insupportable que la garde-robe ou le regard triste, la voix grince sans me réveiller de l’ennui et je me demande bien comment un type a réellement pu croire qu’on pouvait tenir tout un long métrage sans la moindre petite parcelle d’histoire…
Parce que, en vrai, le dégénéré qui tombe amoureux de son ordinateur, moi, raconté de la sorte, je n’appelle pas ça une histoire…
Or donc, Scarlett Johansson a enfin trouvé un rôle à la mesure de sa voix de minitel-rose (si j’ose dire) et va décider après quelques secondes d’existence d’allumer ce bon Theodore parce que vous comprenez, il est tellement sensible, drôle, émouvant, blablabla, chemise parme, blablabla… Scarlett, elle, en plus d’avoir une voix pornographique, donc, elle est super intelligente et très drôle aussi, la preuve ils le répètent aussi plusieurs fois parce que les exemples d’humour à base de rectum sous les aisselles n’étaient pas forcément évidents pour le rare spectateur qui ne plaçait pas forcément là le comble de la finesse désopilante.
Heureusement, Theodore n’est pas difficile, lui, il se marre comme un pendu, il a trouvé la « femme » de sa vie, c’est beau, non ?
Non.
Theodore de toutes façons, n’est pas sexué pour un sou, malgré un physique des plus répugnants il passe déjà tout le film à repousser à la batte une tripotée de bombasses ou supposées telles et à déverser dans leur giron les larmes amères de son incommunicable solitude en lieu et place de sécrétions plus appropriées.
Au bout d’une heure mes deux co-spectatrices ont rendu les armes, je reste seul à tenir je ne sais pour quelles obscures raisons, je sais bien entendu depuis le début comment tout cela se terminera, je n’espère absolument pas avoir une quelconque compensation d’ici là et j’attends péniblement, ma souffrance décuplée par la précision sadique d’une des deux susnommées quant à la durée de ma torture. Car bien entendu, en plus d’être aussi mal filmée que toutes les merdouillasses de sa catégorie, la purge fait dans la longueur bien au-delà de l’heure et demie réglementaire quand on a rien à raconter et j’ai bien pensé atteindre physiquement 2025 avant que cette chose ne se termine enfin tout en délicatesse émotionnelle, pleurs, rires, chemise à carreaux, etc…