Pour les adeptes d'amour virtuel qui ne laisse pas insensible...
« Her » était un des films les attendus du premier trimestre de cette année. Lors de sa sortie du dix-neuf mars dernier, il intriguait par l’originalité de son script. De plus, savoir Spike Jonze derrière à la caméra et Joaquin Phoenix et Scarlett Johansson au casting étaient de réels gages de qualité. D’une durée d’environ deux heures, cet opus a été récompensé entre autre de l’Oscar du Meilleur scénario original et du Golden Globe du Meilleur scénario. La fiche, sur fond rose, se centrait uniquement sur son interprète principal. En effet, elle nous offrait un gros plan d’un Phoenix moustachu.
Le site Allociné propose le synopsis suivant : « Los Angeles, dans un futur proche. Theodore Twombly, un homme sensible au caractère complexe, est inconsolable suite à une rupture difficile. Il fait alors l’acquisition d’un programme informatique ultramoderne, capable de s’adapter à la personnalité de chaque utilisateur. En lançant le système, il fait la connaissance de Samantha, une voix féminine intelligente, intuitive et étonnamment drôle. Les besoins et les désirs de Samantha grandissent et évoluent, tout comme ceux de Theodore, et peu à peu, ils tombent amoureux »
Je trouve que l’idée scénaristique est intéressante. En caricaturant un petit peu, elle questionne sur le fait de pouvoir aimer ou non une machine ? Cette dernière n’a pas d’existence physique et sa pensée n’est que le fruit de calculs très savants sollicitant ses expériences passées. Cela revient à comparer l’ordinateur qui jouait aux échecs contre Kasparov à un être humain. La thématique est donc intéressante mais à mes yeux faussée par le choix du casting. Le choix de Scarlett Johansson pour interpréter Samantha rend caduque le principe. En effet, la dimension immatérielle du personnage disparaît car le spectateur n’a aucune difficulté à assimiler la voix informatique à une partie existante. Et quelle personne ! Le fait qu’il soit sensible aux paroles de Samantha n’a plus rien de choquant : c’est Scarlett qui lui parle ! Qui ne succomberait pas à une discussion sensuelle avec cette actrice ? Que les choses soient claires, je ne remets pas en cause la prestation de Johansson. Bien au contraire, elle irradie de l’écran sans jamais y apparaître. Elle confirme qu’elle possède la voix la plus sexy de tout le cinéma. Ce que je regrette est le fait que cette voix immatériel soit incarnée par une actrice à la présence physique si légendaire.
Une fois cet aspect mis de côté, je me dois d’évoquer la performance de Joachim Phoenix et de son personnage Theodore. Ce dernier occupe tous les plans du film et bien souvent il s’y trouve seul. Sa dimension asociale est bien construite. Elle ne tombe dans aucun excès ni caricature. De plus, Theodore est tout de suite sympathique. Sa fragilité et ses faiblesses sont touchantes. Son côté « monsieur tout le monde » fait que le spectateur n’a aucun mal à partager les différentes épreuves ou interrogations qui jalonnent le quotidien du personnage principal. Par moment, il est naturel de se mettre à sa place et de se demander la réaction adaptée à tel ou tel échange avec Samantha. Néanmoins, le fait que Samantha soit Scarlett biaise un petit peu la réflexion.
L’intrigue est finalement assez simple. Un homme seul tombe amoureux d’une voix informatique et privilégie cette relation virtuelle ou toute autre relation plus « réelle ». Le film se résume à cela. C’est à la fois sa force et sa faiblesse. Il prend donc le temps de faire évoluer le lien entre les deux tourtereaux et prend le temps de voir la construction de leur aventure. Le scénario ne ressent pas le besoin de faire naître des trames secondaires. Les autres personnages restent assez anecdotiques. A l’opposé, cela donne un côté routinier qui, sur deux heures, tend à être un défaut. Pour faire un parallèle avec la littérature, je dirai que « Her » a tous les ingrédients pour être une nouvelle remarquable mais est un petit peu léger pour faire très bon roman. Peut-être qu’une demi-heure de moins aurait permis de garder une intensité plus constante du début à la fin. En durant un petit peu plus de deux heures, l’intérêt est légèrement dilué dans le dernier tiers.
Avant de conclure ma critique, je me dois d’évoquer un des atouts forts du film : son ambiance. Le travail sur les décors est remarquable. La technologie « Samantha » nous plonge naturellement dans un futur proche. Néanmoins, tout le reste de l’univers de Theodore tend à immerger son quotidien dans notre époque. Cela attise logiquement la curiosité du spectateur dans le sens où il se plonge plus facilement dans un monde qui est proche du sien. Le choix des lieux et des couleurs participe évidemment à la réussite générale dans ce domaine.
Au final, « Her » est un objet intéressant que j’ai pris beaucoup de plaisir à découvrir. Il possède quelques défauts qui empêchent la narration d’être totalement à la hauteur ambitieuse de son idée de départ. Mais la qualité des acteurs et de la réalisation compense aisément ces quelques frustrations pour nous offrir un vrai bon moment de cinéma. Et ce n’est déjà pas si mal…
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