Dans Here, Robert Zemeckis convoque sa fibre expérimentale, fidèle à sa carrière, pour déploier une réflexion sur la spatio-temporalité.

Le dispositif est simple : un lieu de vie, demeure immuable à l’écran. Chaque case apparaissant dévoile, par fragment, cet espace à différentes époques. Inspiré du roman graphique éponyme de Richard McGuire, le film s’attarde sur un point fixe, un salon dont les murs et le sol absorbent la mémoire collective. À travers ses fragments de vies successives, le réalisateur compose une fresque où l'ode n’est pas dans l’éclat des gestes héroïques ou des drames universels, mais dans l’écho des vies ordinaires, dans le passage imperceptible des jours.

Le rajeunissement numérique, souvent décrié, trouve ici une justification organique : il n’est pas un artifice, mais un outil pour souligner la fluidité des temporalités. Ce procédé aligne la technique avec le récit, permettant une continuité où les vies s’imbriquent, se répondent et se diluent.

Certes, Zemeckis s’aventure parfois dans des facilités scénaristiques, notamment des parallèles surlignés (les violences policières ou l’évocation du COVID). Mais ces maladresses ne ternissent pas la puissance évocatrice de l'ensemble. Ici, l’intimité de chaque fragment de vie contrebalance les grands récits historiques.

La musique d’Alan Silvestri, tout en retenue, renforce l’aspect méditatif de l’œuvre. La séquence finale, véritable apothéose visuelle, libère enfin le cadre pour un envol mémoriel d’une puissance rare, synthétisant le paradoxe de l’insignifiance humaine face à l’immensité du temps.

En sublimant la banalité, Here n’illustre pas la grandeur cachée des vies humaines, mais les inscrit dans une vaste fresque où chaque élément, aussi insignifiant qu’il puisse paraître, participe à un tout qui dépasse notre compréhension. Zemeckis capte l’éphémère pour le suspendre, non pas pour lui donner un sens, mais pour nous inviter à le contempler.

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le 28 nov. 2024

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