Home cheat home
De temps à autre, je retente une incursion du côté du cinéma d’horreur, dans lequel je loupe sûrement pas mal de choses depuis des années ; et force est de constater que de cette pléthorique...
le 20 oct. 2018
91 j'aime
11
Certains réalisateurs marquent un grand coup rien qu'avec leur premier film : Ari Aster, qui n'avait réalisé jusqu'ici que des courts et moyens métrages, passe donc au grand écran avec Hérédité, premier opus d'une duologie de l'horreur qu'on espère se changer, dans les prochaines années, en trilogie prolifique. Aster qui a une sacrée patte dès ses premières images : de sa mise en scène esthétique sort un sens du détail laissé au cadrage absolument fascinant qui pousse à analyser plusieurs scènes au ralenti ou en faisant pause, l'oeuvre cachant, à n'en pas douter, de multiples indices hors champ.
Le réalisateur devient ici architecte : tout comme Kubrick avec Shining, Aster signe avec Hérédité un travail sur la personnalité d'une maison qui va abriter des horreurs, maison elle-même mise en abîme dès le premier plan, qui fait entrer dans l'histoire une habitation similaire mais miniature, qu'un montage astucieux va lier à l'intrigue en faisant s'y lever les personnages principaux. Le message est clair : le réalisateur, qui crée et contrôle tout dans son film, va renverser les certitudes du spectateur de façon millimétrée, inventive, toujours maîtrisée.
C'est comme s'il avait conscience de son talent : il s'affiche comme dirigeant du début à la fin, conclusion dans la cabane qu'il nous montre tout le long, et qu'il représente habilement comme un personnage à part entière duquel il ne faut pas approcher. Ce contrôle d'architecte s'étire même jusqu'au scénario retors, lui-même plein de détails : le plus marquant, surement, tiens de cette figure souriante et blonde en arrière-plan lors de l'enterrement d'introduction, qui défonce sans vergogne toutes les pseudos figures horrifiques populaires qu'on peut trouver dans le cinéma d'épouvante actuel.
Si on les résume souvent à une succession de maquillages inventifs ou d'effets spéciaux plus ou moins réussis, elles n'arrivent pas à la cheville de ce totem affreux en costard et parfaitement peigné dont l'absence de mouvements, couplée à son sourire démoniaque, suffit à terrifier dès le départ. C'est là qu'on comprend qu'Aster, surement marqué par les icônes du genre sorties entre 60 et 80, réinvente d'une certaine manière la façon de filmer l'horreur.
Comme je le disais précédemment, il est très kubrickien dans la précision de son horreur et la beauté des compositions (particulièrement en intérieur, qu'il montre avec une originalité rafraîchissante), mais fait parfois penser à Robert Wise qui, dans le très bon La Maison du diable, jouait aussi astucieusement du détail présent dans l'image qui terrifie encore plus que les horreurs qu'on peut y balancer face-caméra.
Là où Aster fait de son film une réussite, c'est qu'il parvient à mêler ses influences sans jamais les pomper jusqu'à la moelle : on sent qu'il a maturé le travail de réalisateurs qu'il admire, qu'il a réécrit leur manière de faire, qu'il s'est approprié une partie de leur art pour donner vie au sien. Et quelle réussite formelle qu'Hérédité, prenant du début à la fin, terrifiant et peu avare en jumpscares (dieu merci!), qui aura eu le courage de faire de ses 45 premières minutes un drame fantastique avant de virer, peu à peu, dans l'inévitable registre d'épouvante qu'on attend depuis le début.
Et dès lors qu'il se lance à bras le corps dans l'action, il affiche pleinement toute l'efficacité de sa mise en scène, et prouve que ce travail d'architecte de la mise en scène et de l'écriture est d'une qualité rare : il parvient, en tant que réussite esthétique pratiquement totale, à nous fournir une écriture elle-même référencée mais d'un sens du détail satisfaisant dans le sens où tous les éléments évoqués, toutes les pistes d'intrigue menées conduisent irrémédiablement à cette fin coup de poing sans qu'on puisse se dire à aucun moment qu'il avait oublié de conclure une partie de son scénario.
Ainsi, Hérédité est un coup d'essai d'une force peu commune, à l'efficacité rafraîchissante et au casting exemplaire. C'est beau, c'est effrayant, et surtout, c'est marquant. Paradoxal de l'écrire, mais cela fait du bien d'avoir un film d'horreur avec une personnalité, une vraie.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Des films d'horreur qui font peur? Le comble !, Les meilleurs films de 2018, 2019, Année des Partiels, du Jaune et de la Fin des Avengers, Tentative d'élaboration de liste à recommandations cinématographiques et Les meilleurs films avec une secte
Créée
le 20 nov. 2019
Critique lue 234 fois
1 j'aime
D'autres avis sur Hérédité
De temps à autre, je retente une incursion du côté du cinéma d’horreur, dans lequel je loupe sûrement pas mal de choses depuis des années ; et force est de constater que de cette pléthorique...
le 20 oct. 2018
91 j'aime
11
Le cinéma fantastique semble être devenu depuis quelques années le terrain d'expérimentation de jeunes metteurs en scène ambitieux, qui aspirent à conjuguer une vraie intelligence de la mise en scène...
Par
le 24 juin 2018
81 j'aime
14
A l'image des deux superbes plans qui ouvrent et clôturent le film, Hérédité joue avec différents niveaux de réalité. Au début nous sommes en terrain rassurant : une belle maison, une petite...
Par
le 13 juin 2018
43 j'aime
11
Du même critique
Quatre ans, c'est long. C'est très long. En quatre ans, t'as le temps de changer de meuf, de maison, de voiture, de vie; de sexualité, même. En gros, quatre ans c'est aussi long qu'attendre un film...
Par
le 24 mars 2016
42 j'aime
65
Dans le ptit bled paumé où je passe le clair de mes vacances s'est proposée une expérience pas commune : voir le film "Les 4 Fantastiques" en avant première. Nourri d'espoirs et d'ambitions, je me...
Par
le 4 août 2015
35 j'aime
42
Saison 1 : 9/10. Au cinéma, nombre de personnages se sont fait massacrés pendant des décennies, sans vergogne ou une once de progrès. Les comics aussi ont été touchés par cette mode de la destruction...
Par
le 13 déc. 2017
34 j'aime
4