Réflexion très intéressante regroupant les débats théologiques, le tout rondement mené par un Hugh Grant très impressionnant volant la vedette à Sophie Thatcher et Chloe East bien que celles-ci soient également super dans leur rôle.
Le trio de personnage est intéressant et bien développé servant un propos assez complet sur la croyance et les questions qu’elle attise. D’abord remettant en question la religion et ouvrant diverses pistes théologiques, le film dévoile ses nuances et un propos prenant à contre-pied sa première partie en opposant deux personnes : celle qui choisit de croire, cependant consciente qu’au fond ça ne changera probablement rien, et celui qui, se croyant très malin, décide de creuser l’origine des religions (le contrôle) pour s’en servir à des fins égocentriques. Donc on a dans un premier temps pleins de questionnements bien fichus et une critique de la croyance aveugle, puis dans un second temps la critique des athées cyniques.
D’abord on a la réflexion théorique puis la mise en pratique (les portes, le sous-sol, etc), et si la théorie est déjà intéressante on se rend compte que la suite du récit l’est tout autant, car c’est ici qu’on va exploiter nos personnages et surtout là où le film va pleinement jouer avec nous.
Car oui, Heretic, c’est avant tout un film assez fun prenant un malin plaisir – à l’image de son antagoniste – à « torturer » son spectateur. Lorsque la fameuse musique se lance, j’ai cru que c’était Creep, je me suis fait avoir. Pareil pour tout le passage avec la prophète où la mise en scène flirt constamment avec une approche fantastique.
Concernant la fin assez ambigüe, y a deux options : soit Barnes a vécu (comme elle l’a d’ailleurs raconté un peu plus tôt) un aperçu de la mort et donc qu’elle ne l’était pas vraiment, ce qui serait une belle vengeance contre Reed, soit Paxton a voulu croire à cela mais en réalité c’est faux (le papillon qui disparaît soudainement à la fin). J’aurais tendance à préférer la première option, et à interpréter le papillon comme la mort de l’ancienne Paxton (celle qui ne sait pas précisemment pourquoi elle y croit, celle qui ne se questionne pas).
Côté mise en scène, certes ce n’est pas extraordinaire, mais c’est très soigné. Bon premièrement bravo au chef op (les plans dans la tempête sont un régal, et puis y a une super gestion de l’obscurité). Deuxièmement, les champ contre champ (soit 95% du film) sont très aboutis, on est loin d’avoir en face des yeux un film sans idées visuelles. C’est certes sobre, mais ça fonctionne (plans décadrés, plans fixes, caméra épaule se voyant trop, jeu des focales, jeu du focus, inserts, plans larges symétriques mettant en valeur les portes, plan à la renverse quand Paxton entre dans le dernier sous-sol, etc).
Je me rend compte par contre que les prods A24 sont de plus en plus formatées visuellement ou du moins dans le ton donné aux films. C’est peut être juste une impression. Quoiqu’il en soit le film sait où il va dans sa mise en scène et on est loin d’une copie stylistique au ras des pâquerettes.
Derrière les interventions humoristiques d’un Hugh Grant qui s’amuse beaucoup, le film atteint quand même de sacrés piques de tension, surtout dans sa première partie où on tease la « vraie religion ». Et en dehors de la mise en scène pesante, claustrophobique (d’ailleurs y a un subtil jeu de focale qui déforme les extrémités du cadre, donnant à la maison des airs assez dérangeants), la BO fait le travail.
Heretic est un film constamment tendu, incarné par un antagoniste marquant apportant une touche d’humour toujours bien placée. L’intrigue très ludique et le propos intelligemment mené.