Déjà attendu par de nombreux cinéphiles comme l’un des messies de l’édition 2018 du Festival de Cannes, le space-trip captivant de Claire Denis aura préféré Toronto pour se dévoiler à la presse et au public, déclenchant un cataclysme de réactions extrêmes. La réalisatrice française, célébrée pour la dimension perturbante de ses métrages, présente à l’âge de 72 ans son premier film “américain”, dans lequel elle s’offre les services de Robert Pattinson, André-3000, Mia Goth ou encore Juliette Binoche. La hype est très élevée, et pour cause: on a entendu tout, et surtout son contraire sur cet étrange objet.
High Life n’est pas comme les autres films qui se déroulent en orbite. Il s’agit là d’un format dérivatif aux accents métaphysiques prononcés, particulièrement lent, aux tons kubrickiens, voire tarkovskiens (épure de Kubrick sur Solaris) et aux excès multiples, allant jusqu’à mettre le spectateur dans une situation d’inconfort rare. Loin des héros habituels des odyssées spatiales, High Life s’arme d’une bande de condamnés à mort volontaires pour voguer en vain vers un trou noir, et ce des années durant. Nature humaine oblige, la promiscuité et l’isolement provoquent des réactions en chaîne, liées aux instincts les plus primaires et animaux de notre espèce. Claire Denis se donne alors pour mission de relater l’enfer du confinement des êtres au coeur d’un cosmos infiniment plus vaste dans lequel ils errent et flottent. Partout autour, une atmosphère SF verdoyante à la luxure presque dérangeante, et au symbolisme érotique débordant. Le film de prison, autrement. Un périple vampirisant, désorientant et vertigineux, qui mise sur la claustrophobie et donne l’impression d’avoir mis ses chaussures à l’envers en sortant du cinéma.
Oscillant entre flashbacks trash sur l’implosion – gore gore gore – du groupe, et douces parenthèses sur la mission improvisée de Monte [Pattinson] à bord du vaisseau, High Life est un voyage au cours duquel certains préféreront quitter la salle. Pas nécessairement taillé pour les fans de Claire Denis, le film a le mérite de se vouloir unique en son genre, et de proposer une alternative mystique et polarisante à tous les poncifs d’une thématique désormais classique du septième art. Robert Pattinson y est impeccable comme à son habitude en chaste repenti, et l’interprétation diabolique de Juliette Binoche dans le rôle d’une doctoresse folle et avide du sperme de ses congénères vaut le détour, ne serait-ce que pour l’expérience. Car s’il y a bien un mot autre que trip qui résumerait High Life, c’est celui d’expérience.
— vu au ZFF 2018 | article complet disponible sur TheBergerie.net —