Claire Denis ne s’en jamais dérobé, la notion de science-fiction est à prendre avec les pincettes dans son dernier long-métrage... À vrai dire, tout est à prendre avec ces dits-pincettes car, derrière cette affiche stellaire et cette bande annonce quelque peu angoissante, se cache un film torride, rongé par une humanité dont la solitude est tellement profonde qu’aucune présence peut la combler... aucune, êtes-vous certain?
Lorsque l’on veut parler de condamnation et de solitude de l’âme, deux possibilités s’offrent à nous : la prison ou l’espace ; Claire Denis choisit l’un dans l’autre, histoire d’être certain que nul n’échappe pas à son propos. Il suffit d’en juger par la forme du vaisseau qui accueille ses condamnés à mort, un parallélépipède rectangle sans aucune couleur ni imagination arborant un simple numéro 7, pour rappeler qu’ils ne sont toujours que des matricules. Tout les accessoires, décors et costumes sont là pour rappeler la froideur et la distance avec lesquels « La Terre » les traite : les vêtements sont sales et les combinaisons sont improbables, les commandes et les ordinateurs semblent poussiéreux et anciens, donnant à cette entreprise un certain cote soviétique.
Les relations entre les personnages en sont aussi atteinte, la solitude et le rejet se transformant en folie, et l’on assiste entre-autre à viol, meurtre et suicide. Quel est le point commun entre tout ces actes ? Le sexe, bien évidemment.
Le propos du film est l’exil d’un groupe de condamnés à mort hors du système solaire pour tenter de capter l’énergie des trous noir et pour mener de secrètes expériences sur la reproduction, menée par la vénéneuse Docteure Dibs, interprétée par Juliette Binoche. Le film suit principalement Monte, un individu silencieux qui refuse de prendre part aux expériences de reproduction interprété par Robert Pattinson.
Malgré les mouvements chronologiques, on comprend très vite comment s’effectue le rapport de force : Dibs a le pouvoir sur eux par son corps et par la quantité de sédatifs qu’elle peut mettre dans l’eau du vaisseau...
Une tension sexuelle s’impose entre chacun des membres du vaisseau : Dibs force les hommes à lui donner du sperme et les invite à se « lâcher » dans une fuck box sorti d’un épisode de Black Mirror et offrant au spectateur une scène féroce et tribal lorsque Dibs décide d’utiliser cette boite. La tension monte, encore et encore...
Parmi ces animaux sauvages tous mis dans la même cage, Monte ne prend pas part au combat, il s’exile dans un jardin synthétique à l’abri de tout et où pourtant on n’échappe pas aux alarmes, comme on ne peut échapper à nos pulsions les plus primaires.
Plus haut, je disais qu’aucune présence ne pouvait combler une solitude trop profondément enfouie, mais alors quel est ce bébé qu’on voit au début du film et qui est cette jeune fille que l’on voit arriver à partir d’un certain moment ? Peut-être la réponse à cette solitude. ( Je vous laisse le soin de découvrir les origines de cet enfant dans le film ) On peut s’interroger sur les motivations de Dibs de « fabriquer » cet enfant : en effet, il est question d’expériences pour la science mais à quoi bon, la Terre ne recevra peut-être jamais les résultats ou dans très longtemps ; si sa motivation est si persistante, c’est sans doute par amour pour Monte ou pour assurer la survie de l’équipage. Elle sait qu’avec un enfant, l’instinct de survie se voit comme renaitre et l’envie de le protéger devient trop fort pour se laisser mourir. Mais pas pour Dibs ; après avoir fait l’enfant au profit d’une autre jeune fille, celle-ci s’en va, sachant que l’avenir de l’équipage est assuré.
La structure étonnante du film permet cet histoire en trou noir avec un horizon des événements au début et à la fin et un noyau très dense au centre où toute « l’action » se passe. On note un manque de relief dans la mise en scène et dans les plans, ce qui peut se justifier par le décor très neutre qui habille le vaisseau.
Le film n’évite pas les musiques tranchantes et les cris bruyants mais, et c’est l’une de ces grandes qualités, parvient toujours à faire silence lorsque le tout devient trop pour les oreilles ; après tout, l’espace est surtout silence.
A la fois contemplatif et super-violent, le film récolte tout les oxymores ; en effet, il ne faut pas rester passif devant le spectacle mais tenter de sentir ce trou d’âme qui hante le film ; il est question d’humains si proche dans le plus vaste.
Par toutes ses tentatives et sa forme, High Life se définie comme LA proposition extreme de cinéma de l’année, qui en manque cruellement, et qui restera longtemps dans les esprits...
Le film est une expérience très subjective, donc allez le voir et faites-vous votre propre avis. Malgré ce qui a été dit à Toronto, le film ne provoque ni pleurs ni vomissements. Normalement.