Deuxième film d'Alain Resnais, qui comme son premier Nuit et Brouillard, fait un témoignage de la 2nde guerre mondial, même si le but des deux films est fort different. Duras a pondu ici un chef d'oeuvre littéraire, il n'était pas question de faire un film sur la bombe atomique du 6 aout 45, mais de traiter du devenir de la mémoire, du problème qu'elle pose à ceux qui la détiennent. Une phrase revient en écho dans l'introduction du film "tu n'as rien vu à Hiroshima, rien." dit-il, car oui, j'ai oublié de le preciser mais nous ignorons les noms des personnages, n'étant que des spectateurs du devenir du monde, pourquoi s'intéresser à leurs identités ? Elle dont on ignore le nom a pourtant vu Hiroshima, ses musées, ses femmes, ses expositions réalistes qui font pleurer les touristes... Mais Hiroshima a disparu. Il ne reste que l'illusion d'un reste à des fins purement touristiques et donc économique. Un "Atomic Tour", des profils de victimes défilant comme des pubs, des musées faisant l'illusion du réel. voilà ce qui reste de cette mémoire, des ruines.
Hiroshima a réuni une française de Nevers et un architecte Japonais, ils vivent un amour puissant qui peu à peu fait face à l'éphémère. Car Cette relation doit finir au lever du jour. Alors doivent ils oublier comme Hiroshima à oublier la bombe ? ou doivent ils continuer à nourrir cette passion ? Les personnages se torturent avec ces questions, ils se fuient, mais ils se retrouvent toujours.. Ils sont deux fantômes parmi tous ceux d'Hiroshima en quête de sens. "Tu me tues, tu me fais du bien" Duras resume ici, cette liaison interdite.
La musique de George Delerue est HYPNOTIQUE, et donne un coté surréaliste au film. Il y a d'ailleurs une dimension surréaliste à travers la ville et dans la scène d'introduction où les amants s'enlacent dans le noir, leurs peaux couvertes de cendres, les cendres d'une vie passée tragique.
Il y a un parallèle entre Nevers et Hiroshima, entre elle et lui. Les événements sont différents mais les conséquences sont les mêmes, le même arrière gout, le même parfum persistant.
Que dire d'autre. Allez voir ce film pour la voix d'Emmanuelle Riva narrant la poésie de Duras tout au long du film. C'est un pur plaisir. Sa voix me fait beaucoup penser à celle de Jean Pierre Léaud.
Donc je sais que ce film peut être ennuyeux si on n'est pas habitué au cinéma contemplatif, mais donnez lui une chance, parce que c'est un vrai chef d'oeuvre, ce qui se fait de plus en plus rare dans le cinéma français à mon avis..