On le sait depuis l'Iliade et Hélène la gourgandine, Eros et Thanatos sont, en temps de guerre, copains comme cochons. Et a priori, c'était pas cette histoire d'amour assez banale entre une femme de joie et un soldat de rien du tout qui allait réussir à apporter quelque chose de neuf à un thème vieux comme le monde. Mais ça, c'était a priori.

La réussite du film tient d'abord dans la grande qualité d'un scénario capable d'embrasser d'un même mouvement Histoire et histoire(s), les destins personnels se nouant et se dénouant au rythme de batailles militaires, sans qu'à un seul moment cette fusion du particulier et du collectif ne semble circonstanciel et factice (Un long dimanche de fiançailles, c'est toi que je regarde). Ici, tout semble couler de source, les tragédies de chacun se déploient en parfaite harmonie avec le tumulte de la guerre, une symbiose qui offre au film des scènes sidérantes de beauté (je pense notamment à cette course folle de Harumi dans le no man's land alors même que le combat fait rage).

Mais bien entendu, c'est dans la passion amoureuse liant Harumi et Mikami que le film s'élève et transporte son spectateur vers les contrées verdoyantes du Beau car, si le noir et blanc est à tomber par terre durant tout le long, c'est lorsqu'il s'agit de filmer l'Amour que le réalisateur devient cinéaste et filme ses plus belles séquences. L'idée géniale de Suzuki a été d'appréhender cette relation passionnelle comme un hors-monde, une extraction du réel vers l'atemporalité propre au sentiment amoureux, et de le retranscrire visuellement par une mise en scène s'extirpant elle aussi, dans ces moments d'apesanteur, du carcan réaliste pour se faire plus audacieuse, plus folle, plus libre.

C'est dans cette dichotomie esthétique que le film puise toute sa force, dans cette belle idée qui conçoit l'Amour comme ultime fuite en avant, à la fois force créatrice et transcendante qu'agent de chaos et d'annihilation du soi.
Garrincha
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le 29 mai 2012

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