Dans le jeu de cette famille, j’appelle le père, barbu bougon à la jambe plâtrée. La mère, aimante et surprotectrice comme il convient. Le cadet, petite crapule attachante à la langue bien pendue. Sans oublier le cabot malade qu’ils ont recueilli il y a peu. Tous accompagnent en voiture l’aîné, taciturne et concentré, bien décidé à quitter le pays.
A l’image du taxi Téhéran de son paternel, Panahi junior choisit pour son premier long-métrage un habitacle comme décor principal. Là s’affronte chacun des membres, dans des joutes oratoires tendres et enlevées, avant la séparation. De l’humour, des reproches et des insultes pas toujours saisissables en cette pyramide des âges et des sentiments. Humiliation suprême pour le fils prodigue, les photos prises autrefois par sa chère maman de ses nombreux draps mouillés : « En Europe, ils les auraient certainement exposées dans une galerie ! ». Au-delà de ce capharnaüm ambulant rappelant l’espièglerie douce-amère de Little Miss Sunshine, on respire heureusement en prenant l’air dans des cadres grandioses qui préfèrent laisser les personnages s’époumoner au loin. L’intimité de ce noyau dur est perturbée par des êtres inattendus comme ce cycliste tricheur qui baiserait les pieds de Lance Armstrong ou des passeurs aux cagoules moutonnées. Car on ne quitte pas l’Iran librement. Tout doit se faire de manière clandestine. Pour aller où ? Échapper à quoi ? Un ailleurs certainement où l’avenir aurait du sens. La tête dans les étoiles, le réalisateur préfère ne rien dire et laisser l’imaginaire s’imposer. La destination importe toutefois moins que le voyage. Et tant pis pour ceux qu’on laisse derrière soi. Ils enterreront le passé et chanteront leur peine entre sourires et larmes. Comment se dire adieu…
(7/10)
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