A Sokcho, ville portuaire de Corée du Sud, Soo-Ha est bonne à tout faire dans une modeste pension. Lorsque Yan Kerrand, un illustrateur français renommé, souhaite y séjourner, son employeur lui demande de jouer les interprètes, elle qui parle la langue de Molière. Son géniteur, qu’elle n’a jamais connu, venait également de là-bas.
A l’origine, il y a le texte délicat d’Elisa Shua Dusapin, déjà adapté en une pièce de théâtre émouvante. Aujourd’hui, c’est le cinéma qui s’empare de cette histoire imprégnée de solitude. L’on y découvre Sokcho, cité grise, désertée par les touristes en hiver et située à 200 kilomètres de la Zone Démilitarisée qui marque la frontière avec le Nord. Si l’écran a su s’accaparer des paysages urbains et symboliques de la région, il laisse également moins de place à l’imaginaire en figurant les personnages. Soo-Ha, la métisse, peine à trouver sa place en cette société compétitive. Trop grande pour ses voisines, trop mince pour sa mère, lunettes sur un nez allongé, son rapport au corps en devient complexe, dans un pays où la chirurgie esthétique est devenue réflexe. Si les nombreux plats cuisinés qui parfumaient également le roman font toujours saliver, ils sont autant d’épreuves pour la jeune fille qui s’expriment en des dessins animés déformant sa silhouette. Dans le rôle de l’étranger, Roschdy Zem incarne un Yan plus vieux que prévu, devenant l’ombre du père absent plutôt que celle d’un potentiel amant, alors que les gros plans impossibles sur scène émettent une onde sensuelle. Dans son élan créatif, l’homme caresse le papier, suce les pinceaux et goûte l’encre. Au rythme de matins calmes, cette rencontre improbable laissera des traces douces et amères. Mais après l’hiver vient le printemps, le temps d’une renaissance.
(6,5/10)
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