Mon cher Bastian, j'ai pleuré en voyant ta note concernant "La Jetée" puis retrouvé instantanément le sourire grâce à ton commentaire et ton très beau 9 Takeschi 29
Je mentionne ce commentaire de mon estimé camarade parce que c'est sans doute le commentaire le plus beau qu'on m'ait dit à ce jour à propos de cinéma. Et puis, on peux y voir un aperçu de l'ambivalence des goûts, la jonglerie constante des opinions de chacun. Mais je pense qu'il faut toujours une deuxième vision d'un film pour avoir un avis clair, définitif et réel. "Holy Motors" est dans mon cas l'exception qui confirme la règle.
Un film sur le cinéma ? Assurément. La plus belle déclaration d'amour au 7ème Art qui me fut donné de voir. Leos Carax, cinéaste maudit comme Rimbaud a pu être poète maudit, déclare sa flamme sans grandiloquence, mais avec lyrisme. Hommage aux entractes avec un numéro musical hors du temps et magique ; hommage à l'avant-gardisme avec une des scènes les plus érotiques des années 2010 alors qu'il n'y a aucun semblant de nu ; hommage à Denis Lavanant aussi, qui trouve ici le rôle de sa vie et résume à lui seul dans ce film tout ce que le mot ACTEUR signifie... C'est grandiose. Mais Carax ne s'arrête pas là, et profite de la magie du Cinéma pour réaliser un rêve qu'on a tous eu: naviguer de vie en vie. Ça déroute la première fois, certes. C'est bon signe d'ailleurs, les grandes œuvres déroutent toujours. L'histoire offre ses chemins de traverse, avec des personnages incroyablement multiples. Et l'imagination du metteur en scène est totalement hallucinante, surtout en ces années 2010, et encore plus quand on sait que ce film est français et a un sens plus aigu de la science-fiction que "Valerian" (en terme d'originalité, y'a pas photo) ! Le fou vivant dans un cimetière avec des tombes sur lesquelles sont inscrits des sites Internet, les voitures qui se parlent entre elles en actionnant leurs phares, le tué que le meurtrier mutile jusqu'à ce qu'il lui ressemble... Le film déborde de créativité, la plupart du temps s'exposant dans un contexte muet. Il est mystérieux. Comme chacun de nous par le fait. Au final, chaque vie déployée est une portion de cinéma, ici. Et c'est là que "Holy Motors" dresse aussi un portrait du semblant des apparences et des mensonges que le cinéma entraine. La scène de Lavanant avec sa fille en est l'exemple idéal. Intensité parfaite, maitrise technique impressionnante. C'est la classe. Universel. Et lorsque l'on crée quelque chose d'universel, il y a forcément une part très personnel. "Holy Motors" sent l'autoportrait à plein nez, et serait une œuvre testamentaire rêvée. Il rend ici hommage, explicitement, aux Femmes, surtout à celles de sa vie. Là encore une déclaration d'amour hyper-sensible, romantique, où les regrets valsent en chanson sous les lumières nocturnes. C'est fou, d'ailleurs: on comprend que le film se passe à Paris, bien avant la première mention de son nom. Pourtant, il n'y a presque aucun plan-monument: on ne voit jamais la tour Eiffel, et le seul monument connu qu'on finit par apercevoir est l'Arc de Triomphe au bout d'une demi-heure de film. C'est la mise-en-scène mystique qui nous le fait deviner. Citez-moi un seul autre film qui a déjà fait ça.
Avec tout ça comme sujets, et traités avec une telle poésie surnaturelle, forcément, il y a des scènes qui finissent par nous faire perdre pied. Mais même lorsqu'on est distrait pendant un court instant, on reste captivé par l'écran (on pense juste à autre chose, enfin bref vous avez compris l'idée). "Holy Motors" est un immense film, comme je disais avec takeschi29 qui a le bon goût d'être d'accord avec moi. Bon, pour "la Jetée", désolé, mais bon, on peut pas tout aimer ^^
A voir absolument, surtout pour ceux qui croient que la créativité cinématographique n'est plus envisageable aujourd'hui. Il y en a certains qui résistent, encore et toujours...