Une salle de cinéma bondé, les spectateurs les yeux fermés, immobiles, éclairés par la lumière du grand écran. Qui sont-ils ? Peut-être notre propre reflet. Dorment-ils ? Sont-ils des corps vides ? On ne saurait le dire. Pourtant la vie est là, quelque part sur leurs visages où glisse les nuances de l'écran. La vie n'est pas loin, dans une chambre où un homme ne dort pas, ne dort plus. Il se lève dans cette pièce ornée d'une tapisserie riche en motif, s'approche du mur, le scrute, le caresse, trouve la serrure et ouvre une porte insoupçonnée. Cet homme c'est Léos Carax. Il quitte sa chambre et arrive sur un balcon qui surplombe la salle endormis. Après treize en d’absence dans les salles obscur, Carax revient , il a trouvé la clés pour y accéder et cette clés c'est Holy Motors. Plus question de dormir, ouvrez bien les yeux, le voyage va être agité, Lumière... “ Action !”.
Holy Motors c'est donc le retour de Carax, de son génie et de celui de son acteur fétiche Denis Lavant. Pour ce film, le réalisateur ne se contente pas d'écrire un personnage atypique pour son acteur, comme celui du SDF du Pont Neuf ou de l'amoureux effréné de Mauvais Sang. Non ici, durant 1 heure 55, Denis Lavant dévoile l'infinité de possibilité que lui offre son talent. Il interprète Mr. Oscar, qui interprète lui-même tour à tour une vieille mendiante, un père de famille, un banquier véreux, un accordéoniste endiablé et bien-sûr le personnage de Merde que nous avons découvert quelques années plus tôt dans le court-métrage du même nom. Alors dire qui est Mr. Oscar, c'est dire beaucoup de choses, beaucoup d'histoires, de brides de vies auxquels nous assistons, spectateur d'un grand numéro. Tout au long du film, Mr. Oscar, à bord de sa limousine blanche conduite par Céline ( Edith Scob ) arpente les rues de Paris, se maquille, se déguise, se transforme. Il sort de son véhicule, incarne son personnage, revient, demande à son assistante quel est son prochain rendez-vous et se prépare pour le rôle qui suis. Pourquoi fait-il cela ? Nous sommes déconcerté, mais agréablement. Nous sommes également décontenancé par la claque esthétique que représente ce film. Le travail sur les lieux, cher à Carax, nous le retrouvons avec les ponts ou la Samaritaine; éclairés à la perfection. La composition des plans ; fabuleux tableaux, tout comme la scène dans les égouts et Eva Mendes, promettent un road-trip visuel inoubliable. A bord de cette limousine blanche donc, ce petit vaisseau qui traverse la ville et qui évoque la vie, sa richesse, sa complexité, sa beauté et sa laideur, Carax déclare une nouvelle fois sa flamme au septième art. Holy Motors est un film libre et maîtrisé, un film rythmé, qui nous fait nous arrêter sur la beautés des images. Holy Motors c'est plusieurs films dans un seul, c'est la possibilité d'évoquer beaucoup, en ne montrant que des parcelles de vies. Difficile de trouver un sens et de saisir l'insaisissable. Il suffit de regarder, d'apprécier ou non, mais d'accepter de ne pas tout comprendre, mais de prendre, tout simplement.
Holy Motors c'est un peu comme un musée de la vie en miniature mais un musée roulant qu'il est bon de visiter.