Primé à la Quinzaine des réalisateurs, ce film posthume de la réalisatrice Solveig Anspach ne pose pas les questions sur un ton grave. Il se contente de présenter deux êtres attirés l’un vers l’autre sans offrir nécessairement d’explication à cette attirance. Ils se regardent, se fixent, se cherchent en s’étant déjà trouvés. L’amour, si ce n’est la vie, est abordé dans ce long-métrage avec un humour et une légèreté rares.
Article initialement publié ici
L’amour. Un bien grand mot. Lourd, effrayant, souvent synonyme de quête perpétuelle et de souffrance. Sujet traité maintes fois au cinéma, qui met en scène deux êtres (ou trois, quatre… tout est affaire de goût) complexes qui se lancent dans une aventure semée d’embûches afin de trouver l’âme sœur, le Saint-Graal etc. Dans L’effet aquatique, il ne s’agit pas de questionnements existentiels tortueux et torturés ni d’épanchements sentimentaux mielleux à souhait.
Synopsis :
Samir (interprété par Samir Guesmi), quadragénaire, grutier, tombe raide dingue d’Agathe (Florence Loiret-Caille), maître nageuse à la piscine de Montreuil. Il prétend ne pas savoir nager pour prendre des cours de natation en sa compagnie et se rapprocher d’elle. Or, son entourloupe ne fait pas long feu aux yeux de sa belle et, puisqu’elle déteste les menteurs, son plan tombe, pour ainsi dire, à l’eau. Choisie pour représenter la Seine-Saint-Denis à un congrès de maîtres nageurs, Agathe s’envole subitement pour l’Islande. Samir ne baisse pas les bras et décide de la suivre pour la (re)conquérir…
« Calm and peaceful »
Dans l’eau on se sent toujours plus léger, notre corps se soustrait quelque peu au poids de l’attraction terrestre et nos oreilles sont dispensées de bruits parasites. Drôle d’effet que d’aller au cinéma et d’en ressortir en ayant l’impression de s’être rendu à la piscine !
Il ne faut pas être terre à terre pour apprécier ce film qui réussit, contre toute attente au vu des cinq premières minutes, à nous transporter. L’univers que Solveig Anspach nous permet d’intégrer est un univers aquatique, aérien, liquide, fluide : bref un monde léger.
Certes, le scénario n’a rien d’exceptionnel mais il a le mérite d’esquiver les clichés des comédies romantiques françaises qui essayent de devenir originales en faisant mine de ne pas répéter des schémas classiques. Ici, le manque de réalisme des événements n’est pas lourd, au contraire. La succession des péripéties est fluide, il n’y a pas de moment de tension dramatique, de doute sur l’identité psychologique profonde des personnages…
Notre rythme cardiaque reste constant, incroyablement paisible et constant. Ce qui réussit justement à ce film, c’est de ne pas se revendiquer comme étant remarquable. Il ne cherche pas l’ascenseur émotionnel provoqué par tel ou tel moment de tension ou par un rebondissement inattendu. Sans prétention, L’effet aquatique nous laisse le choix d’adhérer ou non à son histoire. Non, ici les sceptiques ne seront pas confondus, tu prends ou tu ne prends pas. Comme le dit l’un des personnages : « Si tu veux croire à ces conneries…»
Un film posthume ; une ode à la vie
Décédée en août dernier, Solveig Anspach tire sa révérence cinématographique par un hommage touchant. Le thème de l’eau, apparemment cher à sa filmographie, prend ici tout son sens. Comparé au liquide amniotique, il est symbole de (re)naissance pour ses deux personnages principaux. Avec sa gueule d’ahuri, le personnage de Samir peut certes agacer mais sa bouille n’en est pas moins communicative d’une maladresse et d’un émerveillement enfantin qui réussissent à toucher.
Face à lui, sa belle, Agathe, semble plus nuancée. On comprend que ce personnage a nagé dans des eaux troubles auparavant. Pourtant, ses yeux marqués, cernés, ne condamnent pas la beauté de son regard et la possibilité d’aller de l’avant. En plongeant ce couple dans une romance aquatique, la réalisatrice propose un regard neuf sur les corps, sur les sens, sur la vie. La caméra filme une jambe nue qui danse dans l’eau, une main qui soutient un torse qui flotte et surtout, des sourires et des regards encerclés de bulles, du calme aquatique.
Enfin, l’humour tendre qui traverse le film réussit à lui donner une note d’innocence et de douceur très agréable. Et ce, même en citant un sujet aussi délicat que le conflit israélo-palestinien…
C’est donc avec surprise que L’effet aquatique m’a convaincue qu’une réflexion sur la vie peut être profonde sans être complexe ; qu’il est possible de nager au fond de la piscine tout en gardant un œil sur les grues qui côtoient les nuages. A condition, bien sûr, d’avoir les bonnes lunettes.