Les premières séquences montrant Paul Newman grimé (on a envie de dire déguisé) en Indien, longue chevelure noire et bandeau sur la tête, font craindre le pire. Toutefois, en songeant aux films précédents qui l'ont déjà amené à tourner avec Martin Ritt, à commencer par Le plus sauvage d'entre tous (1963) et Les Feux de l'été (1958), il y a tout de même matière à faire preuve de patience et laisser se développer cette histoire d'homme blanc élevé chez les Apaches. L'intérêt d'un tel western ne tardera pas à se manifester fort heureusement.
Avec sa mine impassible un peu stéréotypée, dans un registre connexe au Cool Hand Luke de Stuart Rosenberg sorti la même année, on pourrait penser qu'il s'agit d'un western très classique, alors que le personnage de John Russell ne sera qu'un élément, certes important, au sein d'un groupe qui en comporte beaucoup d'autres intéressants. Sous prétexte d'un long voyage en diligence imposant la cohabitation dans cet espace restreint de personnalités ambivalentes, avec des têtes connues comme Richard Boone en malfrat et grand salaud, Martin Balsam dans un rôle tout en discrétion mais très bien caractérisé, et surtout Diane Cilento dans le rôle d'une femme extrêmement lucide — le personnage le plus intéressant du film sans doute, en tous cas celui qui se fait le vecteur d'une grande quantité de questionnements moraux, n'hésitant pas à mettre les uns et les autres face à leurs contradictions et sans pour autant offrir de solution toute faite.
On reconnaît en outre le style de Ritt dans la tournure métaphorique politique que prend Hombre à de très nombreuses reprises, se faisant le reflet d'une critique ferme à l'encontre des États-Unis et du traitement qu'ils réservent à diverses minorités. Le mépris et l'exploitation irriguent toutes les strates du récit, avec des jeux d'alliance qui évoluent au gré d'une dynamique assez remarquable, notamment grâce à l'ambiguïté de quelques personnages-clés et à plusieurs passages d'une lenteur éprouvante (dans le bon sens du terme). Le rythme se fait volontairement langoureux lors de plusieurs séquences d'attente, serties de dialogues épars et incisifs, alimentant une atmosphère complexe bienvenue qui sillonne et structurent tout le film.
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