Chronologiquement, ce film est le 4ème de son auteur. On y retrouve déjà tout le carburant qui portera la filmographie de ce réalisateur, avec ces personnages atypiques et sa mise en place stylisée qui définit déjà les contours d'une œuvre personnelle marquée d'une empreinte formaliste et une énergie survitaminée, frôlant parfois l'hystérie. On reconnaît un film de Fukasaku en trois mouvements de caméra avec un montage fait de zooms ponctuels et de cadrages désaxés frénétiques qui mettent à mal l'équilibre des personnages.


Cet univers qui navigue entre les bas-fonds originels et les hautes sphères du banditisme est dépeint avec un style propre et unique qui empreinte ses gestes et sa mise en forme à celui du film-noir américain, on pense à Fuller souvent dans sa mise en place des codes narratifs et ses personnages de loups solitaires.


Un gangster fraîchement sorti de prison, interprété par Ken Takakura, souhaite tenter un dernier gros coup avant de se retirer définitivement. Pour cela il prépare une équipe improbable avec un autre truand antipathique et névrosé. Ensemble ils s'en vont recruter une bande de jeunes démunis vivant dans un quartier défavorisé que l'on appelle la porcherie. Il y retrouve son jeune frère peu de temps après le décès de leur mère.


Jirou, le truand charismatique et stylisé, à qui Ken Takakura prête ses traits, apparaît dans son trois pièces sur mesure, ses lunettes de soleil, et son allure classieuse, le Chow Yun-Fat de The Killer n'est pas loin... Il est le personnage central de l’œuvre, celui qui véhicule les centres d'intérêts narratifs de ce polar super stylisé au rythme jamais relâché. Car il est souvent question de rhytme chez Fukasaku. L’énergie qui en ressort est souvent amplifiée par des accessoires stylistiques empruntés au cinéma américain, la comédie musicale ghetto façon West Side Story, le style propre des gangsters classieux et leur gestuelle si particulière, la névrose de certains personnages et la violence qui en découle, le sens de l'honneur, tout ça mis en application dans une sorte de chorégraphie où les corps basculent d'un bord à l'autre du cadre dans une sorte de frénésie permanente.


Le style est déjà là et marquera de son sceau l'immense œuvre d'un auteur haut de gamme, probablement le grand réalisateur du film de gangster japonais avec sa mise en scène zélée mais jamais plombée par l’esbroufe, même dans ses pires excès, son montage survitaminé, frôlant parfois l'hystérie, fait de mouvements permanents de caméra et d'arrêt sur image, sa voix-off narrative, et ses personnages de loups solitaires classieux.
L'utilisation du noir et blanc dans ce film, rendant d'autant plus hommage au genre dont il s'inspire clairement, le film-noir américain.

philippequevillart
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le 11 déc. 2016

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