Hook ou la revanche du Capitaine Crochet par pierrick_D_

Ce film s'est pris une volée de bois vert et passe auprès de beaucoup comme le plus gros loupé de Steven Spielberg.Ca peut se comprendre à la vue de cet incroyable ratage kitsch friqué qui,considéré au premier degré,a de quoi désarçonner les aficionados d'un réalisateur qui venait de faire "Indiana Jones et la dernière croisade" et "Always",et allait ensuite embrayer sur "Jurassic Park" et "La liste de Schindler".Cependant,avec un peu de recul,ce délire pop ahurissant se révèle des plus jouissifs,d'autant que l'humour n'y est pas toujours involontaire.Rien que le scénario,écrit entre autres par Nick Castle,le réalisateur de "Starfighter",rappelle qu'il circulait quand même pas mal de drogue à Hollywood à cette époque.Voici donc,38 ans après,une suite live au "Peter Pan" de Disney qui part sur un postulat bien gouleyant.Donc,après leur retour du Pays Imaginaire,les enfants Darling auraient continué à recevoir la visite de Peter.Mais au fil du temps ils ont vieilli,contrairement au garçon volant qui lui ne changeait pas.Jusqu'au jour où Wendy,devenue une dame âgée,a eu une petite-fille dont Peter est tombé amoureux.Pour la séduire,il a renoncé à son éternelle jeunesse et s'est mis à vieillir également.Il est désormais Peter Banning,brillant avocat d'affaires vivant aux Etats-Unis avec sa femme et ses deux enfants qu'il néglige car il est obsédé par le boulot et a totalement oublié qui il était autrefois.Alors qu'il vient avec sa famille passer Noël chez Wendy à Londres,le capitaine Crochet,toujours revanchard,kidnappe ses gosses.Pour les récupérer,il va devoir retourner au Pays Imaginaire et redevenir Peter Pan.On le constate,l'entrée en matière est copieuse,et on n'a encore rien vu.Un déluge d'aventures improbables à l'esthétique carnavalesque s'abat alors sur l'écran.Le bateau des pirates ressemble à une attraction Disneyland et le repaire des garçons perdus à un parcours d'acrobranche,les premiers jouent au base-ball et les seconds au basket,Crochet est un dandy extraverti qui préfigure Jack Sparrow et se montre franchement écoeuré par le quadragénaire ventru et amnésique qu'est devenu son ennemi juré,lequel se fait maltraiter par une bande de gamins débiles au fil d'un entraînement ridicule à la "Full metal jacket" junior.Il n'arrête pas de se gameller en essayant de voler et se livre à un concours de cassage genre "Brice de Nice" avec un ado attardé coiffé à l'iroquoise.Les mines ahuries de Banning face à ces personnages valent le détour et font penser à Jacquard découvrant le monde médiéval dans "Les visiteurs".Pendant ce temps la fée Clochette zone dans un coin du décor en ricanant bêtement mais,telle une "déesse ex machina",elle intervient à chaque fois que Peter est en trop mauvaise posture.Pour finir,Crochet entreprend de séduire les enfants Banning et de les adopter afin de faire souffrir leur père.Tout ça est assez mauvais,c'est n'importe quoi,mais c'est aussi follement drôle.Et puis on sent chez Spielberg un véritable attachement à son sujet,une réelle affection pour cet univers qui a bercé son enfance.D'ailleurs,tout est recréé avec un soin maniaque,qu'il s'agisse de la maison londonienne des Darling ou de l'île du Pays Imaginaire avec ses pirates et ses garçons perdus,ne manquent que les indiens et le crocodile.De plus,il semblerait bien que Banning soit l'avatar de Spielberg et dresse un autoportrait de l'artiste à travers cet homme écartelé entre son statut de businessman reconnu et son âme d'enfant perdue.A cet égard,"Hook" apparait comme l'antithèse de "Peter Pan".Dans le dessin animé,il était question de savoir abandonner l'enfance pour devenir adulte alors qu'ici il s'agit plutôt de se débarrasser des contingences de la maturité pour redécouvrir son âme d'enfant.Robin Williams se sort extraordinairement bien d'un rôle casse-gueule qui sentait le ridicule absolu et aurait fait sombrer tout autre acteur.Il parvient acrobatiquement à combiner lâcher-prise et discipline,ironie et enthousiasme,sans tomber dans le cabotinage,un véritable exploit en la circonstance.Dustin Hoffman exécute un numéro énorme en capitaine Crochet complètement extraverti et allumé,tandis qu'un formidable Bob Hoskins sait profiter opportunément de la place et de l'épaisseur accordées à un monsieur Mouche qui n'en avait pas autant dans "Peter Pan".Julia Roberts est moins bien lotie et fait pitié en fée Clochette peu utile.Elle minaude stupidement dans un rôle pour lequel elle est trop âgée,le personnage exigeant une certaine juvénilité.A noter parmi les producteurs le nom de Dodi Al-Fayed,alias le zouave du Pont de l'Alma.