Humanisme sans angélisme
Le mot lui-même, autisme, n'est presque jamais prononcé dans Hors normes, non pour nier cette "différence" mais plutôt pour éviter de coller une étiquette tellement réductrice et bien pratique...
le 23 oct. 2019
61 j'aime
2
Nouveau porte-drapeau du cinoche tricolore, les poids lourds Toledano/Nakache continuent de s'imposer dans le créneau du social. «Hors-normes» ne fait pas exception à la règle dans une filmographie à la fois très popu mais aussi consciente de la fragilité des institutions. Remettre l'homme au centre du débat, une constante d'une redoutable efficacité qui aura contribué au succès monstrueux de «Intouchables» mais aussi (certes plus modestes) de «Samba» et du «Sens de la fête». Un sens de la formule qui a fait ses preuves et aujourd'hui formidablement approprié pour «Hors-Normes», vaisseau mère de la rentrée 2019. Un film qui devrait lancer de nouveaux débats sur un type particulier de structures associatives non adoubées par les sommets. En cause, les fameux agréments et l'obligation de soumettre les futurs animateurs à un diplôme d'état. Si le combat opposant les Mavericks à une administration glaciale alimente le vrai débat de fond, c'est sur le terrain que se joue le coeur de la bataille : gérer le quotidien avec la double difficulté de devoir rentrer dans ses rangs de jeunes issus de quartiers défavorisés qui devront à leurs tours porter secours à des patients aux pathologies lourdes dans une structure inadaptée. «Hors-normes» est le sacrifice d'une génération qui bannit la procrastination tout en s'offrant la chimère du vivre ensemble sans aucun à priori ou encore la métaphore d'une chaîne humaine forgée à la solidarité. A l'heure du communautarisme massif, on émettra une pointe de doute quant à la farandole de Juifs Orthodoxes et de noirs Africains au sein d'une même association qui ressemble au village des Schtroumpfs. «Donne-moi ton boubou que je te refile ma Kippa.» Bien entendu, on aimerait que cela se déroule de cette manière. Un premier écueil qui pourrait en laisser plus d'un perplexe.
Les intentions sont royales, le geste parfaitement légitime et Cassel et Kateb bouffent la toile sans retenue. «Hors normes» aura tous ces louables ingrédients mis en commun pour convaincre le plus sceptique des spectateurs. La cause est gagnée d'avance. Néanmoins, derrière le tracteur humaniste qui emporte tout sur son passage, «le programmatisme» se met en place avec ce vieux goût de schéma d'écriture polycopié. Rien de nouveau sous le soleil pourrait-on dire et surtout l'interdiction d'y voir un brin de nuance tant que l'humain reste la priorité. La force de «Hors normes» est aussi sa plus grande faiblesse, celle d'imposer la dictature de l'émotion sans avoir à y trouver à redire. Le spectateur lambda y trouvera forcément ce qu'il est venu chercher, un feel good social movie et pour les autres l'impression regrettable de ne pas avoir un certain Bertrand Tavernier à la barre afin d'élever un peu le débat. D'un point de vue purement cinématographique, le duo aura forgé un moule à consensus auquel on se heurte aux parois de la morale mais il aura donné habilement un soupçon d'espoir à tous ceux qui broient du noir. Là est peut-être l'essentiel afin de changer les mentalités.
Créée
le 1 juin 2019
Critique lue 6.2K fois
79 j'aime
18 commentaires
D'autres avis sur Hors Normes
Le mot lui-même, autisme, n'est presque jamais prononcé dans Hors normes, non pour nier cette "différence" mais plutôt pour éviter de coller une étiquette tellement réductrice et bien pratique...
le 23 oct. 2019
61 j'aime
2
S'il y a un fil conducteur qui traverse toute la filmographie, désormais conséquente, du "couple" Nakache / Toledano, c'est indiscutablement le thème du "lien social", et de son importance capitale,...
Par
le 28 oct. 2019
52 j'aime
12
Je me souviens d’il y a dix ans. Je me souviens d’ « Intouchables »… On y parlait de fracture sociale. On y parlait de parias, que ce soit par le handicap, les origines sociales ou l’orientation...
le 18 nov. 2019
27 j'aime
12
Du même critique
C'est un critique malheureux qui prend la plume. Malheureux parce que l'orgasme filmique amorcé ne s'est pas produit. Malheureux parce que la promesse de caresser une époque révolue (celle des prods...
le 16 mars 2016
147 j'aime
87
Du plus haut des cieux avec "Tree of life" jusqu'au plus profond de l'âme humaine avec "To the wonder", voici venir l'entre-deux "Knight of cups" oeuvre du démiurge Malick. Si la palme d'or de 2011...
le 13 oct. 2015
117 j'aime
49
Youth est un boomerang qui, mal lancé, reviendrait dans la truffe du critique malin d'avoir découvert toutes les thématiques évidentes du dernier Sorrentino. A savoir la sagesse, le recul et surtout...
le 12 sept. 2015
101 j'aime
26