Aujourd’hui, Bruno Dumont est un cinéaste qui a réussi à atteindre le grand public grâce à la série qu’il a réalisé cette année pour Arte, P’tit Quinquin. Deux ans auparavant, alors que je découvrais Hors Satan (sorti en 2011), j’étais loin de m’imaginer qu’un réalisateur maîtrisant un style aussi intransigeant et radical puisse un jour réaliser une comédie.
J’ai décidé d’écrire ma première critique pour Miroirs à propos de ce film, car je le considère, dans le paysage actuel du cinéma français, comme l’un des films les plus bouleversant et enthousiasmant qu’il m’ait été donné de voir. C’est un film que je n’ai réellement apprécié qu’à sa deuxième vision. Je pense qu’il fallait le temps qu’il agisse sur moi. À mon avis, c’est un film vers lequel il faut aller, qui ne prend pas le spectateur par la main. Cependant, il faut aussi se laisser porter par son souffle, et ne pas avoir des attentes trop précises à son sujet. Ces attentes ont fonctionné comme des œillères pour moi lors de ma première vision.
Hors Satan nous plonge dans un monde en fusion, en constant mouvement, véritablement inscrit dans une temporalité qui se manifeste violement dans chaque portion de l’espace. Tout y fluctue, change, palpite, vit. Le vent fouette la végétation et les visages des personnages, si forts que l’on a l’impression qu’il va leur arracher les cheveux et la peau. L’eau d’une source mystérieuse transforme la lumière en matière étincelante et vivante. Un feu dévastateur s’y déclenche et menace de tout ravager sur son passage. Ces mouvements sont autant de micro-rythmes, analogues à ceux du vivant, et qui donnent aux plans une épaisseur organique. Le vivant existe seulement dans le temps, et il est donc continuellement menacé par sa propre disparition. Le film nous le rappelle sans cesse...
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