Retour à la terre
Histoire d'un aller simple, Hostiles s'impose comme une ode au genre western qu'il investit, qu'il anime, qu'il magnifie. Scott Cooper a tout d'un grand et continue de questionner, tout au long de sa...
le 14 mars 2018
99 j'aime
18
Mes enfants, amateurs de westerns eux aussi, m'avaient dit en m'offrant ce DVD : tu ne peux pas ne pas aimer ... En effet, ils doivent assez bien me connaître puisque j'ai bien aimé...
Voici donc un western démontrant que le genre est toujours vivace, n'en déplaise à ceux qui avaient programmé sa disparition dans les années 60. Bien sûr il y en a moins mais si on y retrouve la qualité, ce n'est pas plus mal. Quant au réalisateur, Scott Cooper, je découvre.
D'un point de vue général, ce que j'ai apprécié dans la démarche de Scott Cooper, c'est l'aspect classique de l'histoire et du jeu des acteurs.
L'histoire d'abord.
Elle se situe en 1892 à un moment où la société américaine me semble en voie d'apaisement.
Le film commence par une citation de DH Lawrence (écrivain que je ne connais qu'à travers une œuvre dite sulfureuse) mais qui ici montre l'origine violente des Etats-Unis : The essential American soul is hard, isolate, stoic, and a killer. It has never yet melted.
Ceci n'est pas anodin ainsi que la première scène extrêmement forte où une famille de pionniers se fait massacrer par une bande de Comanches à l'exception de la mère de famille, Rosalie Quaid, qui se trouve brisée.
On est dans le constat. Les Etats-Unis sont une nation qui s'est construite dans le sang (comme d'ailleurs bien des nations de par le vaste monde). Les meurtrissures sont nombreuses. A commencer par ce capitaine Blocker de la cavalerie qui est en fin de carrière et a survécu aux massacres et aux guerres qu'elles soient indiennes ou civiles. Sa hiérarchie lui transmet l'ordre qui vient de la Présidence des US de convoyer sur presque 2000 km du Nouveau-Mexique au Montana, un vieux chef indien Cheyenne, Yellow Hawk, qui veut mourir sur sa terre d'origine ainsi que sa famille. Or, le capitaine Blocker connait bien Yellow Hawk qu'il a combattu et dont il a pu apprécier la cruauté. C'est donc un ordre qui l'humilie d'autant plus que sa hiérarchie lui fait comprendre qu'il n'a pas le choix parce qu'il connait l'indien et qu'à son âge, il n'est plus vraiment utile dans sa fonction... Humiliation en regard de toutes les souffrances vécues et supportées pendant toute une carrière.
Ainsi l'expédition démarre plutôt sur de mauvaises bases d'autant que se joindra Rosalie, la seule survivante du massacre des Comanches. En fait, cette expédition sera un véritable voyage initiatique dans lequel certains de ses compagnons vont périr mais où va peu à peu se développer une solidarité et surtout une compréhension mutuelle entre les Cheyennes, Rosalie Quaid et le Capitaine Blocker.
On remarquera l'astucieux retournement de l'Histoire à l'arrivée dans le Montana où les indiens et le Capitaine ne sont pas les bienvenus auprès des (nouveaux) autochtones (hostiles !).
D'observateur malveillant, le Capitaine Blocker devient observateur bienveillant avant de devenir acteur vers un apaisement et, pourquoi pas si je me réfère à la dernière image pleine d'émotion et d'intelligence , une réconciliation.
C'est bien là, où Scott Cooper nous amène : certes, on part de loin que ce soit le capitaine Blocker avec ses fantômes du passé et Rosalie avec le souvenir atroce de ses enfants assassinés. Mais on peut construire. On peut espérer en l'avenir.
Les trois acteurs interprétant les rôles du Capitaine, de Rosalie et Yellow Hawk sont très bons, extraordinaires de simplicité et de modestie dans leur jeu. Là encore, le jeu est hyper classique et rappelle les grands acteurs de westerns qu'ils soient de Ford, Boetticher, Walsh ou Daves ...
Le Capitaine est interprété par Christian Bale que je ne connais pas mais qui m'a impressionné par son jeu tout en retenue et circonspection. Le personnage est complexe et passionnant.
Rosalie est interprétée par Rosamund Pike. Pareil, je ne connais pas. Là aussi, elle est superbement menée dans un personnage d'une grande force morale capable de surmonter l'indicible. A suivre absolument.
Par contre Wes Studi, là je connais et j'apprécie énormément : "Danse avec les loups(un petit rôle), Le dernier des Mohicans (Mann), Geronimo (Hill). Ici, il joue le rôle du chef indien tout en finesse et en bonté, maintenant que le temps de la bagarre est terminé.
La réalisation de Scott Cooper est très esthétique et alterne les séquences mouvementées avec des séquences plus contemplatives, propices à la réflexion et aux échanges. Les prises de vue sont très réussies et la caméra n'hésite pas à embrasser des paysages magnifiques.
Un truc drôle c'est que les pérégrinations de l'expédition ont dû (en théorie ) passer à proximité de Monument Valley et pourtant on ne le voit pas. Encore une qualité à mettre au service de la finesse du réalisateur qui choisit de ne pas faire dans la facilité.
"Hostiles" est un western qui exalte un certain humanisme, construit sur la souffrance et résolument tourné vers l'avenir.
Efficace et beau.
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