La filmographie de Dennis Hopper côté réalisation est concise mais pleine de surprises, bonnes ou mauvaises, comme en attestent le chaos intrigant de "The Last Movie" et le mauvais goût absolu de "Catchfire ". "The Hot Spot" s'inscrit quant à lui dans la veine des néo-noirs caractéristiques de la fin des années 80 et des années 90, et plus précisément dans la catégorie des semi-parodies qui utilisent sciemment les grosses ficelles du genre pour construire une atmosphère originale sur la base de clichés connus de tous. On pourrait tenter une passerelle avec un film comme "Red Rock West", avec Nicolas Cage dans le rôle principal et, coïncidence, Hopper dans un rôle mémorable, même si ce film était (enfin, sera, il est sorti 3 ans plus tard) beaucoup plus ancré dans le style pastiche.
Un film qui procède beaucoup par archétypes, bien au-delà des simples mouvements du scénario. Ne serait-ce que le choix des acteurs, avec ce Don Johnson tellement "daté", tellement années 80 déjà en 1990, ou encore ces icônes sexuelles diamétralement opposées que sont Virginia Madsen et Jennifer Connelly, la première dans la provocation et la volupté d'un blond aveuglant, la seconde dans la réserver et la candeur d'une brune toute jeune. On peut compter sur les figures classiques du genre : l'adultère avec la femme du patron, l'homme mystérieux au passé trouble, le casse d'une banque... Même l'imagerie fortement érotique constitue un détail important à part entière, entre la naïve et la torride, sur fond de polar texan sudiste. Sans parler de la composition musicale assurée par John Lee Hooker et Miles Davis, rien que ça.
Le film noir traditionnel est à la fois proche et loin, présent partout en germes et nulle-part de manière explicite. Dennis Hopper donne l'impression parfois de suivre une recette de cuisine, ce qui confère au film ce cachet parodique qui était désagréable dans "Red Rock West" mais qui sait un peu plus se tenir ici — l'humour est sans doute mieux dosé. Les motifs de la femme fatale avec son guet-apens et de l'ingénue qui sort presque naïvement de l'eau dressent une toile de fond curieuse, dans laquelle vient s'emprisonner le héros, tout à tour acteur et victime de la séduction. Un exercice de style, clairement, auquel il manque un peu de caractère dans la mise en scène, même si cette apparente neutralité fait peut-être partie de l'effet recherché. En tous cas les effeuillages des unes et la fausse innocence des autres ne seront pas passées inaperçues.