JAPAN, COME ON, YOU'RE DRUNK
Point d'interrogation. Comment, comment cette succession de choix malheureux, contestables voire incontestablement mauvais, peut-elle aboutir à une telle unité de poésie morbide, d'érotisme fané et de comédie noire? Obayashi serait-il l'alchimiste de son époque, adressant au spectateur absolument toutes les déviances et expérimentations visuelles? Hausu est une petite leçon de mise en scène d'où l'abondance ne biaise jamais l'émotion mortifère, une surcharge baroque mais harmonieuse dont on aurait à ce point oublié les ficelles que la décrypter reviendrait à traduire du proto-maya dans l'obscurité d'une grotte néolithique. Au carrefour entre le film d'horreur et le conte initiatique, Hausu préfère une dimension autrement plus mythique et sexuelle galvanisée par l'étrange obsession des membres coupés, par une acrotomophilie de profondeur dont l'exotisme seul symbolise la fonction toute iconoclaste du film.
"Je suis fier [...] de son architecture, les voûtes se rejoignent de telle manière qu'on ne remarque pas où est la clef", disait Tolstoï de son Anna Karénine face aux attaques concernant son manque d'unité formelle. Le même axiome pourrait s'appliquer à Hausu, dont les lambeaux s'unissent à l'épreuve de la logique, hantant durablement le spectateur vierge de telles expériences. Et ce n'est peut-être pas tant parce qu'Hausu fonctionne admirablement bien - en dépit de sa forme dangereuse et de son fond impénétrable - qu'il est devenu culte, mais peut-être parce qu'à mi-chemin entre la publicité et le cinéma de genre, il est potentiellement unique et inégalé dans l'étrangeté.