Gucci, une marque qui incarne l'essence même du luxe à des prix vertigineux. Des vêtements et des accessoires de mode que le commun des mortels ne pourra jamais s'offrir, ayant juste les possibilités de baver d'envie sur les vitrines et d'acheter de la contrefaçon. Et ce nom à la résonance de cette si belle langue de Dante, se terminant par "i"... Ferrari, Lamborghini, Gucci, ça respire l'overdose de thune et de glamour avec insolence ainsi que l'inestimable touche italienne.


Reste que l'envers du décor sent beaucoup plus la merde que la rose, que la famille portant ce nom si prestigieux est plus proche de Game of Thrones que de La Petite Maison dans la prairie. Trahisons, coups tordus, fraudes, passages par la case prison, meurtre, personne ne s'en sortira indemne. En fait, ce patronyme est plus une malédiction qu'autre chose.


La protagoniste est présentée comme étant obsédée par celui-ci, comme sa raison de vivre, sa motivation, acceptant même à un moment donné de ne pas côtoyer la fortune tant qu'elle peut être appelée Gucci. C'est ce qui va la perdre.


L'angle scénaristique est bien choisi. La première partie prend bien le temps de poser les personnages et les enjeux. Si je reste dubitatif quant au bien-fondé de faire parler le casting avec un accent (sans Italiens et Italiennes à l'horizon dans les rôles principaux, je précise !), je reconnais que les acteurs et les actrices assurent. Lady Gaga (faisant totalement oublier qu'elle est d'habitude plus une chanteuse !), Adam Driver, Jeremy Irons, Al Pacino, Salma Hayek, cocorico notre Camille Cottin nationale, que du bon, du très bon. Mais la palme revient sans conteste à Jared Leto, entièrement méconnaissable et époustouflant d'exubérance dans la peau de l'idiot bouffon de la lignée. J'ai eu du mal à croire que c'était lui (bravo aux maquilleurs aussi, il faut rendre à César ce qui est à César !).


Point de vue mise en scène, à part un fond vert dégueulasse censé représenter le New-York des années 1980 (quelques secondes, ça va, c'est presque que dalle !), Ridley Scott fait du bon boulot. Je ne mettrai jamais en doute ses capacités visuelles. Et je ne mettrai jamais en doute non plus celle de faire plonger le spectateur dans une atmosphère, une époque. Rien que l'effervescence autour des divers défilés, c'est comme si on était en plein dedans.


Mais il y a une limite chez ce réalisateur que j'ai souvent remarquée... Pause, pause, il faut que je sorte quelque chose de mon esprit avant. Mais bordel, remplissez-moi ces putains de tasses. Et, une bonne fois pour toutes, arrêtez de faire commander aux personnages des consommations dans un bar pour qu'ils se barrent tout de suite après sans les boire une fois le dialogue terminé. Cela me saoule. Faites la séquence par exemple dans un parc si vous ne voulez pas vous faire chier avec tous ces détails et ruiner la crédibilité de ce qui arrive.


Oui, alors, j'en étais où ? Ah oui, il y a une limite chez ce réalisateur que j'ai souvent remarquée. Si on lui confie un très bon script, il fait un très bon film, pour ne pas dire de temps en temps un chef-d'œuvre (enfin pour ces derniers, plutôt au début de sa carrière !), c'est indubitable. Par contre, si le script n'est pas terrible ou du moins contient des lacunes, je ne pense pas que Scott ait la compétence de le remarquer, de corriger lui-même ou du moins de faire corriger pour donner bien plus de solidité et d'équilibre à l'ensemble.


Si j'évoque ce point, c'est évidemment parce que House of Gucci souffre de faiblesses dans son écriture. Et elles interviennent à partir du milieu du film.


Premièrement, cela passe trop brutalement de "mamour" à "je ne t'aime plus, j'ai envie de te quitter", sans que l'on voit le couple se dégrader bien progressivement. Je ne sais pas, moi, mais ça me paraît un minimum important pour faire comprendre psychologiquement pourquoi Monsieur n'aime plus du tout d'un coup Madame et n'a aucun complexe à la jarter sans ménagement de Gucci.


Deuxièmement, l'impact positif ou négatif (il y a déjà un problème en ne sachant pas ne serait-ce que cela !), commercialement parlant, que Patrizia Reggiani influe à l'entreprise n'est jamais mis en évidence. Ou même si elle a pu intervenir directement sur cette question alors que ça me paraît un point essentiel quand même ; d'autant plus que cela aurait donné encore plus de poids à ses motivations (de saisir si elle a raison ou non de se sentir offensée d'être rejetée de la marque Gucci !), la poussant à aller jusqu'à commettre l'irréparable.


Oui, vous allez me dire que sans ça, le film dure 160 minutes, que c'est une durée non négligeable (même si c'est loin d'être extraordinaire, je peux en sortir des titres de films de quatre heures ou plus !). Donc solidifier les deux points précédemment cités ajouterait un temps considérable. Euh, je ne suis pas contre dire que le format mini-série aurait peut-être été plus adapté.


Bref, si la première moitié, prenant à raison tout son temps, est réussie, la seconde est trop précipitée, non seulement pour que tout soit bien approfondi, mais aussi pour parvenir à éviter de donner une sensation de déséquilibre.


Un petit mot de la BO au passage, elle est composée en majorité de morceaux très célèbres des années 1970 et 1980. Ce qui est cool. Je ne crache pas sur Eurythmics, Donna Summer ou encore Blondie entre nombreux autres. Au contraire, je les kiffe. Mais j'ai eu l'impression que chaque chanson est placée aléatoirement au lieu de bien souligner l'atmosphère ou le contenu du moment où elle se fait entendre, comme si sa qualité seule suffisait, alors qu'elle doit être en symbiose avec ce qui est montré.


Bon, en résumé, Ridley Scott sait mettre en scène (sauf, dans ce cas particulier, pour la BO !), sait diriger ses acteurs et actrices, mais ne sait pas avoir à chaque fois un bon script lors du tournage. C'est d'autant plus regrettable ici que le sujet est en or et pas uniquement parce qu'on a affaire à des millionnaires évoluant dans un milieu fréquenté que par leurs semblables.

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le 27 nov. 2021

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Plume231

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