Afin de célébrer la fin de leur année scolaire, trois adolescentes britanniques, Tara, Skye et Em décident de s'offrir leur première escapade entre amies dans une station balnéaire méditerranéenne où tout est mis en place pour qu'elles passent "The best holidays ever".
Dans la première partie du film, Molly Manning Walker nous ouvre au monde de la ritualisation standardisée des premières "expériences de vie" à la britannique : Le cheap "party hotel" destiné à ce jeune public anglo-saxon de classe moyenne inférieure en mal de liberté, d'expériences érotiques et de vitamine D : la piscine à l'architecture "subtilement" phallique où les premières rencontres se font, les pre-pre-party d'après-midi où des animateurs encouragent les jeunes couples en formation à se mettre en scène via des jeux emprunts d'un doux cocktail à base de vodka et d'humiliation, les pre-party de retour à l'hôtel, la post-pre party où les animateurs poussent la vulgarité toujours plus loin et où les robes deviennent toujours plus courtes, plus fluo. Les visions deviennent toujours plus courtes, plus floues.
Hormis la mise en scène qui laisse transparaître une puissante critique de ces rites, les intrigues de cette première partie sont celles que l'ont pourrait attendre de n'importe quel film prenant pour sujet trois jeunes britanniques partant en Crète : ambiance "What happens in Malia, stays in Malia", leur rencontre avec les deux lourds du balcon adjacent (Badger et Paddie), dont l'intrigue serait bousculée par la subtile jalousie de Skye pour Tara.
D'ailleurs, pour en avoir côtoyé un certains nombre durant mes virées festives à l'étranger, je tiens à souligner le fin réalisme qu'incarnent les différents protagonistes qui sont, à mon sens, crédibles dès leur entrée en scène.
Malaise à Malia (J'ai hésité avec "Alerte trop de Malibu")
Mais c'est là qu'intervient le talent de Manning qui donnera au film tout son intérêt.
Le malaise étourdissant que l'on ressentait depuis le début se précise lorsque le plan se ressert sur un personnage : Tara, une adolescente à qui ce ritualisme où le sexe sans attache est omnipotent ne semble pas convenir. En tout cas, sûrement pas autant qu'à ses acolytes Em et Skye.
Alors qu'elle semblait développer une certaine tendresse pour Badger, celui-ci est rattrapé par l'euphorie de la fête et mène à la première déception de notre jeune ingénue. Son camarade Paddie saute sur l'occasion et propose à Tara de l'emmener sur la plage, où il se jettera avec elle dans la mer froide malgré ses multiples protestations et son exaspération évidente.
"Yes ? Yes ?...Yes."
La scène de sexe sur la plage est pour moi absolument réussie, car elle ne prend pas le même angle que beaucoup de films abordant la question du viol sortis ces dernières années.
Lorsque Paddie lui demande explicitement si elle est d'accord ("Yes ? Yes ?"") alors qu'il commence à la toucher, Tara répond finalement "Yes", allant à l'encontre de la suprême règle du "Seul un oui est un oui" comme frontière ultime entre consentement et viol.
S'en suit une réflexion montrant que les logiques du consentement sont en réalité beaucoup plus poreuses et multidimensionnelles que souvent imaginé.
Effectivement, Paddie n'est pas le seul à avoir arraché ce "oui". Tout depuis le début du film avait été établi autour de Tara pour qu'elle abdique. A commencer par la pression de ses meilleures amies qui font lourdement peser le poids de sa virginité dans la balance de son statut social au sein du groupe, renforcée par une architecture balnéaire où tous les chemins DOIVENT mener au sexe.
Sans cet accomplissement ultime du rituel, rien n'a de sens. Ces litres d'alcool, ces boites sans identité passant les même remix de remix de Major Lazer 2016, cette île de Crète dont on ne verra la beauté qu'une seule fois sur la plage - avant le commencement du rituel. Rien n'a de sens.
Avec ce "oui", Tara cédait au poids de cet environnement oppressant, dont Paddie n'est qu'une des incarnations.
Un autre aspect est l'évolution du traumatisme APRES l'acte. En effet, on aurait très bien pu imaginer que la réticence de Tara sur le moment aurait pu être atténuée par la création d'une réelle liaison avec un Paddie protecteur et attentionné. Seulement, Paddie a intégré tous les codes de ce monde où seul l'acte physique individuel compte et délaisse volontiers Tara après avoir remporté son trophée, l'allure triomphale le lendemain lors de son arrivée sur le balcon.
A plusieurs reprises, Tara tente de gagner l'approbation d'un homme qui ne la mérite visiblement pas, mais duquel elle a besoin d'obtenir la validation pour se convaincre que cet acte important pour elle avait sa réciproque. Mais non. Rien. Et ce traumatisme se creuse dans le regard de plus en plus triste de Tara, dont les amies, euphorisées par sa "performance", ne verront rien.
Finalement, c'est Badger, personnage complexe, qui lui apportera ce soutien. Mais un soutien toujours limité. Car malgré qu'il pressente la détresse de Tara et ses causes probables, il n'abordera pas le sujet. Une Omerta masculine entretenue par la peur de devoir faire face aux méfaits de son ami de toujours.
Alors les néons fluorescents des boites de la première partie du film laisseront lentement place à un bleu monochrome et la musique assourdissante sera étouffée pour laisser notre victime couler dans le vide de cette station balnéaire artificielle.
Tout ce qu'elle attendait, c'était une main tendue pour l'arracher à ce romantique cauchemar.