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"How to Have Sex" c'est LE teen moovie que j'aurais aimé voir pendant mon adolescence ! Mais non, nous les Millenials on a eu "Spring Breakers", un blockbuster Américain ridicule et ultra sexualisant avec nos starts de Disney se trémoussant au milieu des liasses de dollars... Alors OK, l'affiche nous survend un peu le film, ne vous attendez pas à être époustouflé, non plus. Maintenant est-ce un bon film ? Oui, je dirais même que c'est un film nécessaire. Le message est profond et ô combien éducatif, et il est porté par un casting compétent, mis en valeur par une scénographie et une réalisation tout à fait réussis. L'image et la BO sont soignés, le montage traduit parfaitement les ressentis, mais j'aimerais ici me concentrer sur le plus important dans ce film : le message porté.

Pour résumer, How to Have Sex est un film qui montre très bien les limites du consentement, et comment ces limites sont volontairement et constamment brouillées de manière systémique dans une société où les très jeunes femmes sont ultra sexualisées au service des hommes dont le désir est érigé en valeur absolue. Ceci étant dit, je vais développer mais en spoilant pas mal - désolée.

Comment transformer un non en « yeah » ? Étape 1 : être super lourdingue avec la nana, et la suivre partout, même si elle est visiblement extrêmement mal à l’aise et ivre ! Étape 2 : lui montrer que de toute façon t’es bien plus fort qu’elle physiquement (tu peux la porter contre son gré, la jeter dans l’eau froide, la fesser hyper fort par surprise, la plaquer au sol malgré ses cris de protestation… Étape 3 : une fois que tu l’as immobilisée au sol avec force, profite de sa stupeur pour lui arracher sa culotte ! Et voilà !

La question est : pourquoi Tara ne semble pas conscientiser qu’elle a été violée ? Pourquoi elle « joue le jeu » ? Pourquoi quand Paddy la plaque au sol elle ne hurle pas, elle ne le mord pas, elle n’essaye même pas de le gifler ? Pourquoi elle finit même par dire oui, ce « yeah » qui fait que le viol de Tara passe tout à coup pour un rapport tout ce qu’il y a de plus usuel et consenti ? En tant que femme on nous toujours dit que « la première fois ça fait mal », on nous prépare depuis la pré-adolescence à ce rite de passage mystérieux qui nous fera mal. Tara s’attendait à avoir mal, à être violentée, et c’est ce qui lui est arrivé. Qu’est ce qu’on nous a pas dit, à Tara, à moi et à toutes les autres ? Un truc comme ça : « Ta première fois ça sera où tu veux et quand tu veux, et si un type (même joli et sympa au premier abord) essaye de te faire croire le contraire, qu’il te touche alors que tu as dit non, qu’il te déshabille alors que tu ne veux pas, qu’il te fait mal, que tu te sens mal : alors c’est stop, c’est non, tu t’éloignes le plus rapidement possible de cet énorme connard et si il te suit tu hurles de tous tes poumons, et si l’option se présente tu lui broies les couilles à grands coups de genoux à cette sombre merde. » Voilà, je pense que cet adages là (bien qu’un peu long) ferait plus de bien à notre société et nos jeunes femmes que notre traditionnel « la première fois ça fait mal chérie ».

Qu’est ce que ce viol nous dit de Paddy et par extension du patriarcat ? Que le viol est outil et même un pilier de la domination patriarcale. Ce n’est pas par ce que Paddy désirait ou aimait Taz qu’il l’a violée. C’est très clair. Au début du film il y a un instant très doux entre eux où ils sont les seuls réveillés, ils jouent et rigolent très spontanément, et quand Taz fait le premier pas pour l’embrasser, il se refuse à elle. Non, ce n’est pas Taz qu’il désire quand Paddy la viole : c’est le fait de prendre le dessus, de la soumettre à son désir à lui, de prendre la position de force sur le rapport, et c'est pour ça qu'il choisit le moment où Taz est la plus vulnérable, où elle est terrifiée, vidée de tout désir : c’est là qu’il choisit de la prendre, et de l’écraser toute entière.

Et puis c’est embarrassant pour Tara de gâcher la fête, de casser l’ambiance… tout le monde rigolait si bien ! Elles sont venues pour ça : baiser ! Elles en parlent depuis le premier jour, elles s’apprêtent chaque matin pour séduire les garçons, elles disent à qui veut l’entendre qu’elles sont là pour se lâcher, que baiser c’est fun ! C’est le récit bêtement répété en boucle par la copine écervelée de Taz, mais surtout asséné au mégaphone à longueur de soirées par les 2 animateurs de l’hôtel qui font figure d’autorité dans ce temple du patriarcat qui porte aux nues le phallus triomphant et la femme-objet, et qui se pose bien sûr en allégorie de notre propre société. Et voilà comment le système l’a niquée la petite Tara. Et le pire c’est qu’elle même elle ne savait pas qu’elle était en train de se faire violer sur le coup.

Ce qui renforce le rapport de force et de domination ici, c’est aussi le fait que Tara est mineure, elle est plus jeune que son agresseur -un homme adulte- et donc elle l’idéalise, elle se donne un mal fou à se composer une identité « mature » qui consiste bêtement à suivre le mouvement pour masquer son innocence. Elle se repose sur lui, elle lui fait confiance à Paddy, « il sait ce qu’il fait », ainsi elle se laisse violenter, s’imaginant peut-être que résister trahirait son manque d’expérience, que ce qu’elle subit est typique de ce que fait Paddy avec les filles de son âge. C’est aussi dans cette domination et cette confiance que se joue le problème de Tara et qui fait qu’elle ne peut pas réalisé qu’on abuse d’elle. D’ailleurs plus on avance dans le film, plus la toute jeune Tara qui nous était d’abord présentée toute pimpante en sexy en robe moulante et faux cils, nous paraît finalement très enfantine -en témoigne son petit visage d’enfant triste encapuché dans le taxi qui la ramène vers l'aéroport.

Enfin, ce film nous montre parfaitement comment toute la pression du groupe repose sur la victime. Tant que la victime ne dit rien, il n’y a pas de psychodrame, tout va bien, la fête continue, Best Holiday Ever ! La victime ressent cette pression de se taire pour ne pas créer le drame, elle se doit alors de prendre sur elle, de refouler son mal-être pourtant profond, lancinant, qui tue chaque once de joie en elle. Ce fait révèle une vérité douloureuse de notre société n’est pas le viol qui fait le drame, mais le fait d’en parler. Et en fait, c'est précisément le fait d'en parler (avec la bonne personne) qui va permettre d'alléger les tourments de la victime.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur ce film et le message d'espoir qu'il porte ! Et voilà je suis heureuse de voir que nos jeunes générations ont ce genre d'objets culturels à disposition, quand j'ai personnellement grandit avec "American Pie" !"...

Kakiwhyu
8
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le 27 avr. 2024

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