Sublime de chez sublime, un véritable travail d'épure et de précision (et Dieu sait qu'il est bien rare de pouvoir combiner les deux) dans ce documentaire, non pas sur la vieillesse, mais sur deux anciens, frère et soeur, qui vivent à 95 ans comme mari et femme.
C'est casse-gueules de parler de vieux, on a vite fait de tomber dans le lieu commun social ou dans un cynisme assez puribond, mais Jägerskog ne juge pas ces gens de la terre, éduqués à la vieille école, ni leur foi aveugle en Dieu. Un Dieu souvent convoqué par la fratrie comme palliatif à ce monde par trop décalé. C'est que le documentariste est suffisamment talentueux pour capter au détour, ne serait-ce que d'une scène, tout le clivage générationnel qui oppose cette vieille génération à ceux qui lui succèdent. Parce que Hugo et Rosa vivent en hommes libres sur leur terre et ce sont les nouvelles chaînes technologiques et sociétales qui achèveront la frère et la soeur : l'électricité, qui arrive dans les dernières années, et surtout l'hospice, dont Jägerskog laisse ressortir le glauque et la déconnexion sans s'y complaire. C'est juste qu'éloignés de la nature et du travail de la terre, Hugo et Rosa vont se laisser peu à peu mourir, et les seuls moments de vrai bonheur qu'on peut déceler sur leurs visages sont leurs rares entrevues, que le documentariste capte avec une grâce certaine.
Hugo et Rosa est, en effet, l'un des plus beaux films imaginables sur l'amour platonique et il y a cette fin, déchirante et pourtant si attendue, avec peut-être un plan de trop (je ne le spoilerai pas ici, vous le reconnaîtrez tout de suite). Et pourtant, si Jägerskog fait sentir le bois triste du cercueil, c'est pour revenir aux parfums doux et naturels de cette petite maison dans les bois (coucou Pialat) pour un générique très touchant. Petite larmichette, j'avoue.