Le problème avec le cinéma britannique est que l'on a cette fâcheuse tendance à la confondre parfois avec le cinéma américain s'il nous prend la maladive erreur de ne pas se renseigner davantage sur le patrimoine cinématographique. Pour beaucoup, nous avons tellement été biberonnés durant notre jeunesse au cinéma américain que, inconsciemment, entendre de l'anglais nous fait songer aux USA. Quelle ne fut pas ma honte jadis, alors que je débutais dans l'exploration du Septième Art, quand j'apprenais que Stanley Kubrick n'était pas américain mais anglais ! Après Orange Mécanique et le trop méconnu "L'Ombre d'un Homme", j'ai trouvé ma troisième perle qui est donc "Huit heures de sursis". Carol Reed a tous les ingrédients pour créer un film à suspense de haut vol. L'odyssée d'un truand qui a en lui une ébauche de rédemption au beau milieu de la jungle urbaine irlandaise, traqué par la loi après un braquage ayant mal tourné. Sur ce point, le pari est réussi, "Huit heures de sursis" ne pourra que vous captiver en suivant le calvaire d'un homme blessé frôlant les arrestations et évitant les dénonciations des gens soit avides d'argent ou désireux de faire régner l'ordre et la justice.
Reed se permet d'éviter soigneusement d'aborder le sujet très délicat de la question irlandaise en ces temps troubles. Certains seront déçus mais au vu des tensions de l'époque, on en devient vite compatissant face à toutes les qualités proposées. Car la force d'un véritable film à suspense est de placer son héros principal dans une constante incertitude, un sentiment de danger permanent. Objectif rempli sans difficultés. Il faut voir à quel point les courses-poursuites dans les ruelles sombres tiennent en haleine. Une autre chose que j'ai déjà en partie abordé est l'étude sociologique de la population lorsqu'elle se retrouve face à un hors-la-loi. Faut-il collaborer ou dénoncer ? Faut-il soigner cet homme blessé ou le laisser au risque qu'il se vide de son sang ? Devenu une sorte de bête de foire, il sera transporté, soigné et même peint par un artiste farfelu qui le déposera sur une chaise surélevée, tel un trône dédié à sa gloire.
Enfin, on sera subjugué par la qualité du noir et blanc à vous décrocher la mâchoire, encore plus abouti que celui du Troisième Homme qui était pourtant remarquable. Bref, j'évite de trop en dire quand je rédige une critique sur mon dernier bijou en date. C'est toujours mieux de laisser la découverte à ceux qui ne l'ont pas encore vu et qui, je l'espère, le verront un jour.