La ballade du serpent et de l’oiseau chanteur est un cinquième volet solide, explorant sa propre mythologie et emprunte aux meilleurs éléments de la saga pour mieux se réinventer. La force de celle-ci, notamment dans le second volet, résidait dans une structure narrative posée qui permettait l’approfondissement de la psychologie des personnages, un traitement à la hauteur des enjeux et proposant un regard mature sur une tragédie : les Hunger Games.
Neuvième édition marquée par un manque d’audience qui pourrait marquer la fin des Jeux, la machine bien huilée se relance dans une dixième édition nouvelle. L’attribution du prix Plinth, garantissant à son heureux tributaire une bourse pour l’université, voit son critère d’attribution changer : les meilleurs élèves deviendront mentors et se verront attribués un tribut qu’ils devront transformer en spectacle au cours de cette édition, en sauvant l’intérêt que porte la population au jeu grâce à une présentation médiatique inédite et particulièrement cruelle. Marqué par un désintérêt total de la plupart des mentors, membres du prestigieux Capitol, le jeune Coriolanus Snow, interprété par le charismatique et talentueux Tom Blyth, se démarque par son étonnante vigueur à vouloir tout faire pour que son tribut gagne les Jeux. Mais ses intentions sont-elles louables ? Agit-il par bonté ou par dépit ?
La réponse semble évidente mais l’atout réside en la réponse à la question. Il est évidemment guidé par ses propres intérêts, mais on lui découvre une sincérité inédite, une certaine empathie qui rend le personnage attachant et surprenant. Un homme prêt à tout pour voir son tribut, Lucy Gray Baird, interprétée par une Rachel Zegler excellente, triompher dans les Jeux. On peut voir là une solution potentiellement à somme non-nulle (ndlr: Arrival, gagnant-gagnant) : elle a la vie sauve, lui poursuit ses desseins. Mais chassez le naturel, il revient au galop…
Le premier tiers du film titille la perfection. Introduction solide, visuels plein de charme, interprétations convaincantes, des questions et mystères soulevés qui donnent envie d’en voir plus. Le second, porté sur les Jeux, est cruel, sans pitié, divertissant, ironique, très réussi. Là où la saga avait déjà proposé la confrontation en arène arrive à se réinventer et proposer quelque chose de foncièrement différent et nouveau. Le tout avec l’ombre planante des antagonistes de ce récit : Casca Highbottom, rongé par la culpabilité d’avoir créé les Jeux, et le Dr. Gaul, génialement interprété par une Viola Davis inspirée. Cependant, le troisième tiers sonne le glad d’un équilibre pourtant bien trouvé au sein des deux premiers. Cette troisième partie casse la dynamique et amorce la montée en tension qui atteignait son paroxysme à la fin du second tiers. Cette partie est nécessaire au développement du personnage mais nous interroge sur son traitement. Aurait-elle du être moins dramatique et plus dynamique ? À titre de comparaison récente, Oppenheimer, lui aussi avec une durée conséquente et trois parties, arrivait à maintenir la tension et l’intérêt, ce qui n’est pas totalement le cas ici - sans que cette partie soit mauvaise, loin de là, elle est simplement en-deçà du reste et frustre quelque peu. Cette partie amène cependant à une conclusion logique, fidèle au personnage et donne envie d’en voir plus sur son arrivée à la présidence de Panem.
À noter également une bonne critique des médias et du show que représentent les Jeux, il est dingue de voir à quel point le film fait écho à la situation géopolitique actuelle et à quel point il sonne juste.
Un retour sur grand écran en grande pompe, parfaitement justifié, d’une saga qui a toujours su se démarquer par la qualité de son adaptation et par la maturité des sujets traités. Une réussite.