Vampires, créatures monstrueuses, envahisseurs venus de l’espace… La Hammer a donné vie à bien des univers fantastiques pour faire vibrer les spectateurs. Mais il ne s’est pas toujours agi de raconter d’étranges contes, comme d’autres films tels que Taste of Fear l’attestent.
Une ouverture sur la découverte d’un cadavre d’une jeune femme dans un lac, puis l’arrivée d’une autre jeune femme à l’aéroport avant de rejoindre une belle demeure au Sud de la France pour des retrouvailles familiales. A moins qu’il ne s’agisse de la même ? Faute d’avoir vu le visage de la première, le spectateur est en mesure de se demander si Taste of Fear ne s’ouvre pas sur une tragédie pour nous en raconter la genèse. Et tout semble aller en ce sens, lorsque Penny se retrouve chez sa belle-mère, pendant que son père, qu’elle souhaitait retrouver après des années, s’est absenté. Cependant, beaucoup de choses surprenantes et incohérentes vont commencer à se dérouler, au risque de faire sombrer Penny dans la folie.
Les étranges apparitions auxquelles Penny va se confronter posent la question du point de vue : est-ce qu’elles résultent de l’imagination de Penny, ou sont-elles vraies ? En adoptant une posture relativement paternaliste vis-à-vis de Penny, les personnages de la belle-mère, du docteur Pierre Gerrard, et du chauffeur Robert, accroissent cette sensation de doute par rapport à ce qui se déroule devant nos yeux, et surtout par rapport à la véracité de ces événements. Taste of Fear joue avec notre perception de la réalité, convainquant presque son héroïne qu’elle devient folle, développant cette atmosphère paranoïaque propice à l’installation de cette intrigue riche en rebondissements.
En effet, Taste of Fear a tout du film à suspense par excellence, nous menant sur des pistes ou vers des indices toujours trompeurs, distrayant notre attention pour mieux nous cueillir au bon moment. Le spectateur sera naturellement mené à douter de chaque personnage mais, pourtant, les pistes seront suffisamment brouillées pour éviter de distinguer la vérité avant la grande révélation. C’est une affaire d’écriture, mais aussi de cinéma en général, car ce film plaît certes pour son suspense, mais il plaît également pour sa réalisation soignée, avec ces jeux de lumière toujours bien gérés, sublimant ce noir et blanc qui fait parler les visages et les décors sans avoir besoin de dialogues.
On a, quelque part, la sensation de voir un film aux accents hitchcockiens avec Taste of Fear, par rapport aux décors, à la structure du récit, à la réalisation ou encore aux personnages que l’on rencontre au fil de l’histoire. Certes, Seth Holt n’est pas Alfred Hitchcock, mais il réalise ici un film de très bonne facture, qui sait tenir son spectateur en haleine au maximum jusqu’à le cueillir à la fin. Bien sûr, il ne s’agira pas d’en dire plus pour ne pas gâcher la surprise, et si le spoiler ne doit pas être une condition ferme pour apprécier un film, celui-ci s’apprécie tout de même bien plus lorsque l’on s’y plonge en toute innocence. Voilà donc un film peu connu, mais si vous aimez le suspense, vous aurez votre compte avec Taste of Fear.
Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art