화이 : 괴물을 삼킨 아이 / Hwayi: A Monster Boy (Jang Joon-hwan, Corée du Sud, 2013, 2h05)

Dix ans après le bien étrange ‘’Save the Green Planet’’, Jang Joon-hwan revient aux affaires avec un nouveau film concept. Poursuivant son exploration de la folie des hommes, il livre ici une œuvre crépusculaire particulièrement violente qui ne lésine pas sur les effets sanglants. Au risque de virer parfois, comme pour son premier métrage, vers la gratuité. Rendant d’autant plus respectable le magnifique numéro de funambule.


Hwayi est un adolescent, en apparence, comme les autres, si ce n’est qu’il est un peu plus rêveur et émotif. Se réfugiant dans son monde à l’aide des écouteurs de son minidisc qui l’isolent. Sujet à une profonde sensibilité, pour lutter contre son mal-être il aime griffonner un bloc note sur lequel il réalise des dessins, dont le sujet principal est le monde tel qu’il le perçoit.


Cependant Hwayi n’est pas du tout un adolescent comme les autres. Il vit au sein d’une communauté de voleurs, aux tendances meurtrières. Tous aussi toqués les uns que les autres, ces sept psychopathes élèvent l’ado, qui les appel ‘’papa’’. Et il y a également une femme, chargée des tâches ménagères, ménage et bouffe, dont la condition se rapporte plus à l’esclavage qu’à autre chose. Hwayi l’appel néanmoins ‘’maman’’.


Pour ce qui est de l’arc narratif principal, il est des plus simples. Les sept pères pratiquent leurs méfaits avec allégresse, en acceptant les différents contrats qu’ils reçoivent. Pendant ce temps, en parallèle, une enquête de police suit leurs traces. Un jeu de chat et de la souris se met en place, mais ce n’est pas spécialement ce qu’il y a de plus passionnant dans l’intrigue.


Un autre arc concerne Hwayi, qui fait la rencontre d’une jeune fille avec qui il crée des liens. Mais au vu de sa vie, il est tout de même assez compliqué de mener une existence ‘’normale’’. Surtout quand ses sept pères estiment qu’il est en âge de suivre leurs traces, et décident de le faire participer à l’un de leur coup. Qui bien sûr ne tourne pas comme prévu, et entraîne le récit dans une spirale de violence malsaine, des plus vertigineuse.


Le voilà le nerf de la guerre, ce à quoi s’intéresse précisément Jang Joon-hwan, à savoir comment ses personnages réagissent une fois jetés un à un dans cette spirale. Tout le récit, qui apparaît dans un premier temps assez classique, sert de prétexte pour analyser plus en profondeur la psyché des différents protagonistes. La mise en place, très posée, puis le développement des différents membres du gang, n’a finalement pour but que le fait de faire exploser le microcosme de cette étrange famille, une fois que les ennuis prennent une tournure dramatique.


À l’instar de ‘’Save the Green Planet’’ c’est donc bien la folie qui fascine le réalisateur. Si elle était celle d’un seul homme dans son premier film, elle prend ici diverses formes. Il y a quasiment autant d’expressions qu’il y a de personnages en fait. Principalement il y a Hwayi, qui souffre d’un traumatisme infantile plutôt carabiné, sujet à des visions cauchemardesques qui l’empêche de mener une vie véritablement équilibrée.


Par le biais de ses pères, c’est d’autre facette de la folie qui sont abordées. Sociopathes, névrosés et obsédés, entre autres, c’est tout un panel de la parfaite petite tare qui est proposé, menant de l’ennui au meurtre. C’est une œuvre très violente que ‘’Hwayi: Gwoemuleul Samkin Ayi’’, qui ne peut laisser insensible. Sombrant par moment dans le genre de l’Horreur avec une aisance maîtrisée, mais sans vergogne.


Toujours à la limite du grotesque, Jang Joon-hwan parvient à ne jamais sombrer dans la complaisance. Comme pour ‘’Save the Green Planet’’, qui a plus d’une reprise pouvait sembler gratuit. Il corrige ainsi le tir avec cette seconde production, ce qui la rend d’autant plus difficile à regarder, car elle convoque tout un réalisme qui fait froid dans le dos. Et plus le récit avance, plus ça devient glauque.


Presque irrespirable même, tellement c’est malsain. Une impression de vertige renforcée par le déroulé de l’intrigue qui accélère, puisque le film file à toute allure, avec un rythme ne connaissant que de très rare baisse de régime. C’est à dire qu’une fois qu’on est pris dedans, c’est un voyage non-stop jusqu’au générique. Voir au-delà, car ça secoue un peu. Et il vaut mieux avoir les trips bien accrochée, car dans sa réflexion Jang Joon-hwan part loin, très loin.


Sur une thématique peu évidente ‘’Hwayi: Gwoemuleul Samkin Ayi’ est une réussite sur à peu près tous les tableaux. Mais ce n’est pas un sans-fautes pour autant, car à trop vouloir dissocier l’adolescent de ses sept pères, il a une tendance appuyer par trop la monstruosité de ces derniers. De fait, même si les révélations finales expliquent leurs comportements, ils manquent dans l’ensemble d’une véritable humanité.


Toute une réflexion tourne autour du ‘’monstre’’, imaginaire comme tangible. Ce rôle est tenu par plusieurs des pères, desquels ne se dégagent aucune once d’humanité, ce qui donne par moment une impression d’un facteur ‘’méchants’’ juste pour être méchants. Rien ne justifie leurs agissements ou leurs réactions. Sur ce point le film pêche un peu, car si il maintient son équilibre fragile, concernant certains protagonistes, le cliché ne les épargne pas. Mais c’est un détail, parfois gênant, mais dont il est facile de faire abstraction.


Dans son ensemble ‘’Hwayi: Gwoemuleul Samkin Ayi’’ est un thriller psychologique virtuose, avec des séquences d’actions spectaculaires. Que ce soit les courses poursuites en bagnoles, vraiment excellentes, ou encore quelques gunfights nerveux qui valent le détour, c’est maîtrisé de bout en bout. C’est ce qui fait pardonner les quelques erreurs, facilités scénaristique et un manque de nuance. Surtout dans la dernière partie du métrage.


Alors que ce dernier s’enfonce dans ce que l’âme humaine peut avoir de plus obscure et de plus noire, l’un des sept pères sort un peu du lot, pour se révéler totalement taré. À ce moment, il est vrai que le film en rajoute encore un peu plus sur l’horreur, pourtant bien distillée jusque-là, pour tout faire exploser dans son final particulièrement violent. Autant dans le visuel que dans le psychologique.


Jang Joon-hwan bouscule son audience en atteignant les cimes de l’horreur absolue. Renforcé par le fait que durant tout le métrage il s’évertue à faire de Hwayi un personnage humain. Une position qui ne fait que ressortir l’épouvantable vérité qui lui pète à la gueule, avec pertes et fracas. Lui qui n’avait rien demandé, découvre la vérité sur ses origines, dans un déluge d’hémoglobine, de torture psychologique et de déchirement émotionnel.


‘’Hwayi: Gwoemuleul Samkin Ayi’’ est une œuvre qui vaut la peine d’être découverte, ou redécouverte, bien qu’il soit préférable de savoir à quoi s’attendre en se lançant dedans. C’est à plus d’une reprise choquant, par une volonté affichée du cinéaste de choquer et d’impressionner. De torturer patiemment ses spectateurs autant que l’est son personnage principal. Clairement, c’est là une expérience de ciné, qui est somme-toute assez rare.


-Stork._

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le 20 mai 2020

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