I Am Keiko
6.1
I Am Keiko

Film de Sion Sono (1997)

1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15...

1 heure, 1 minute et 1 seconde.
Ni plus, ni moins.

L'horloge tourne. Tic tac tic tac tic tac. Les aiguilles défilent.
Keiko est une affaire de durée. Uniquement de durée. Sono Sion poursuit en quelque sorte l'expérimentation de The Room sur le temps. Dans The Room, il s'agit de l'étirer à l'infini. Ici, il s'agit d'une échéance.

Keiko est l’œuvre la plus ouvertement expérimentale de son auteur. Ici, nulle intrigue, nul fil narratif, même pas le côté "témoignage brut" qui donnait sa force à "I am Sono Sion!!". Aucun artifice. On est devant un dispositif purement théorique qui, de fait, ne passionnera pas grand monde.

Keiko se constitue d'une alternance entre plans fixes et plans abstraits, avec comme fil d'Ariane une voix-off qui raconte des choses et d'autres. Et qui compte les secondes. Souvent. Comme pour mieux saisir le temps qui passe. Les plans fixes, souvent des trucs du style scènes de ménage toute bêtes ou Keiko qui contemple le paysage par la fenêtre, trouvent leur justification par cette durée, ce temps qui s'écoule avant qu'ils ne disparaissent. Toute l’œuvre ressemble à une tentative - forcément vaine - d'attraper le présent.

L'ouverture donne le ton : plan fixe, de face, cadré à l'épaule, on admire le visage de Keiko pendant 5 minutes. Et on la voit qui attend, qui s'ennuie, qui s'impatiente. Plus tard, ce sera un pastiche de présentations d'infos, avec Keiko qui raconte sa journée, qui se répétera, encore et encore. On est presque devant une thèse philosophique : qu'est-ce que le temps ? Que le présent ? Bien évidemment, on ne compte plus le nombre de plans avec un réveil ou une horloge.

Un moment que j'aime beaucoup est celui où la narratrice compte les secondes - encore une fois - et, qu'en même temps, on entend les bruits d'une réception - ou d'un hall de gare, je ne sais plus - qui envahissent peu à peu l'espace. Ça donne l'impression de deux lignes de temps parallèles qui évoluent, chacune à sa propre vitesse, et qui se contaminent peu à peu. Sensation troublante et unique, d'autant plus qu'en même temps défilent devant nos yeux une série de plans abstraits.

Mais au-delà de tout l'aspect théorique et, peut-être, un peu rébarbatif, Keiko Desu Kedo est empreint d'une douce poésie, qui lui permet d'éviter d'être un objet froid et distant. Il possède un identité visuelle forte, dominée par le rouge et le blanc, qui donne lieu à quelques plans marquants - Keiko qui marche dans la neige ou qui regarde par la fenêtre. Une recherche picturale dans la lignée d'un The Room, qui séduit et qui aide grandement à rentrer dans ce film un peu particulier.
Ça n'est pas de trop.
KreepyKat
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes 1997 en 10 films et Sono Sion

Créée

le 6 janv. 2014

Critique lue 615 fois

4 j'aime

KreepyKat

Écrit par

Critique lue 615 fois

4

D'autres avis sur I Am Keiko

I Am Keiko
Schwitz
7

Critique de I Am Keiko par Schwitz

Keiko est une jeune fille de 21 ans qui vit seule à Tokyo. Son père est mort il y a un an, et elle décide peu avant ses 22 ans d'enregistrer une vidéo d'1 heures 1 minute et 1 seconde, sensée...

le 13 oct. 2016

2 j'aime

Du même critique

The Complete Recordings
KreepyKat
10

"I got mean things all on my mind."

Robert Johnson. Là, direct, ça intimide. Forcément que ça intimide, quand on repense à tout ce qui entoure le bluesman, on a de quoi être impressionné, genre "ouah, c'est pas n'importe qui ce gars-là...

le 20 déc. 2012

32 j'aime

Exuma
KreepyKat
9

"I see fire in the dead man's eye."

Pour expliquer l'attachement profond que j'ai pour cet album, il va me falloir faire une petite parenthèse autobiographique. J'ai grandi dans ce qu'on pourrait communément appeler un coin "paumé sa...

le 17 mars 2014

26 j'aime

1

One Hot Minute
KreepyKat
10

"Am I all alone ?"

Parmi les albums n'ayant pas trouvé leur public, One Hot Minute fait figure de maître-étalon. Il faut dire que les circonstances n'étaient clairement pas en sa faveur : successeur de l'acclamé Blood...

le 7 nov. 2012

26 j'aime

8