On pourrait faire un procès à Feng Xiaogang le réalisateur de ce film chinois, parce que il montre un film qui sort vraiment de l'ordinaire sans donner toutes les clés nécessaires. Cette femme qui s'adresse à nous en afirmant qu'elle n'est pas madame Bovary, c'est li Xuelian une femme divorcée. Elle vient de sa province pour porter plainte à Pékin. Elle fait sourrire parce que elle reproche au tribunal qui lui a accordé le divorce de n'avoir pas compris que c'était un faux divorce. Mieux, elle voudrait épouser à nouveau son ex-mari pour pouvoir divorcer à nouveau, pour de bon cette fois ! Et comme sa demande n'aboutit pas, elle porte plainte contre les personnes qui exercent des responsabilités judiciaires à Pékin. Bon, j'ai fini par comprendre pourquoi elle en veut à toutes ces personnes. Elle cherche un ou des responsables de son malheur. Le divorce, elle l'a effectivement demandé, en toute connaissance et elle était d'accord avec son mari. Le problème, c'est que tout ne s'est pas passé comme prévu. Il devait y avoir une deuxième phase devenue impossible.
Depuis que je propose une liste de films chinois, je désespérais de découvrir de nouveaux films à y mettre. Et là, coup de bol, une perle à voir sans attendre vu le nombre de salles qui le projettent ici où là. Le souci de compréhension de la situation étant évacué, car tout finit par s'éclairer, je peux passer aux choix techniques. Sur la plus grande partie du film, le cadre est circulaire, ce que je n'avais jamais vu. Un choix qui fait un effet remarquable, malgré les contraintes, qui s'oppose à un cadre carré quand l'action arrive à Pékin. L'oeil n'étant pas du tout préparé, le spectateur se demande quoi en penser. J'ai trouvé des informations, ce choix permet de créer de la distance et accentuer les souffrances humaines présentées à l'écran. Le réalisateur explique qu'avec un tel cadre, le spectateur se retrouve dans la position de quelqu'un qui observe avec une longue vue, ce que je confirme. La mise en scène interdit les plans larges et donne davantage d'importance au hors champ que d'habitude. J'ai trouvé ce choix très réussi, surtout qu'il est renforcé par un autre choix, celui de produire une image qui rappelle les peintures de la dynastie Song. Je ne connais pas ce style, mais il nous renvoit dans le passé, alors que le film se situe a peu près à notre époque. Peut-être un passé récent, puisque l'intrigue prend ses racines dans la politique chinoise qui a longtemps interdit strictement aux femmes d'avoir un deuxième enfant. Pour moi, c'est le seul vrai point faible du film. Parce que l'estétique est vraiment remarquable, les péripécies étonnantes, jusqu'à la révélation finale. Le film est sans doute un peu long, mais une fois que je suis rentré dedans, ayant compris la situation de l'héroïne, c'set très bien passé. Son histoire fait sourire plus d'une fois.
Enfin, il y a cette histoire de madame Bovary. Le film est une adaptation d'un roman chinois dont je n'ai pas les références, par un auteur que le réalisateur apprécie. La situation de l'héroïne fait référence à un personnage plus ou moins mythique chez les chinois. Ils l'appellent Pan Jinlian, un nom qui évoque la femme prête à tout pour se venger de son amant enfui (ou le symbole de la femme adultère, de la garce). Pour que le titre soit évocateur en dehors de la Chine, la version internationale est exploitée sous le titre qu'on connaît. Une maladresse à mon avis avec ce mélange de français et d'anglais, mais que je trouverais injuste de reprocher au réalisateur qui n'y est pour rien. Si l'héroïne va parfois un peu loin, parce que tout le monde l'envoit promener, elle ne fait que réclamer justice et elle ne passe pas son temps à se plaindre, sauf auprès du tribunal de Pékin... pendant 10 ans. Et puis ce titre fait sourire, parce que Gustave Flaubert, l'auteur de Madame Bovary, roman dont la célébrité a largement dépassé nos frontières, faisant d'Emma Bovary un symbole universel de femme mécontente de son sort, aurait dit un jour :
Madame Bovary, c'est moi !