Renvoyer dos à dos capitalisme et communisme est assez commun mais le faire avec du style, parfois de la grâce et une bonne rasade de poésie n'est pas donné à tout le monde. A vrai dire, les derniers méfaits du duo Delépine & Kervern n'étaient guère enthousiasmants : un ton vindicatif et rebelle qui ne faisait pas dans la nuance et des films mal fichus dans l'ensemble. I feel good n'est pas non plus un modèle de construction narrative et patine parfois dans les redondances mais c'est ce qui fait ici son charme et est finalement raccord avec le monde du recyclage d'Emmaüs dans lequel le film prend racine. Avec un corps étranger en son sein, un abruti qui ne croit qu'au libéralisme, rêve de devenir riche avec sa start-up et méprise les sans grade, un drôle de Mickey Emmaüs, pour faire court. I feel good manque parfois de nerf mais conjugue assez bien l'absurdité à tous les modes dans ce qui prend au fil des minutes des allures de fable. Moins de rage que dans les films précédents de Delépine et Kervern mais une singulière folie qui s'incarne parfaitement en Jean Dujardin que l'on n'aurait pas juré compatible avec l'humour et la tendresse vache des réalisateurs. Ce en quoi on avait tort car le film n'est pas si éloigné en définitive de l'univers de Bertrand Blier (qui commence à nous manquer) dans lequel l'acteur a brillé en écoutant le bruit des glaçons. Il est prodigieux Dujardin, sans effort apparent, et constitue avec l'indispensable Yolande Moreau un attelage extraordinaire. La fin du film, avec ce qu'on appellerait un twist dans un quelconque blockbuster américain, est vraiment délectable et laisse sur une douce impression. Comme quoi, un manifeste est parfois tout aussi efficace quand il ne tire pas à boulets rouges sur sa cible désignée. Comme il est dit dans le film "ce qui ne tue pas te rend moins mort."