Il y a des œuvres qui fonctionnent vraiment sur l’affect, la personnalité, l’humeur, le caractère ou encore l’envie d’évasion du spectateur. Atmosphérique, éthérée ou en apesanteur, elles dépendent clairement de l’envie ou de la capacité de ceux qui les visionnent à se laisser aller. Mystérieuse, sibyllines ou symboliques, elles lui demandent aussi d’accepter les zones d’ombres et de ne pas tout comprendre. Le genre de longs-métrages généralement clivant qui va en laisser certains sur le bas-côté comme en rendre d’autres complètement hypnotisés. Elles sont assez rares - et la plupart du temps réussies si elles ne sont pas commandées par un égo artistique démesuré et/ou prétentieux - mais elles ne sont pas faites pour tout le monde et c’est aussi ce qui fait leur préciosité. Car dans ce genre de voyage singulier, on compte autant sur le film en lui-même que les capacités spécifiques d’appréciation de chaque spectateur, ce qui trie forcément l’audimat potentiellement apte à les apprécier. Dans la même veine que les sublimes chef-d’œuvres que sont « Donnie Darko » ou « Mulholland Drive » et à moindre mesure et un peu plus récemment « Under the Silver Lake », « I saw the TV glow » est donc un nouvel avatar de ce type de cinéma plutôt risqué et peu commun. Il est de la même trempe que les œuvres majeures citées précédemment sauf qu’avec celui-ci on n’a pas vraiment accroché malgré les qualités évidentes de sa proposition, notamment en ce qui concerne l’univers et l’aspect esthétique mais aussi sur ce qu’il peut faire ressentir.


« I saw the TV glow » traite de l’adolescence et du passage à l’âge adulte comme beaucoup de films avant lui mais avec un aspect bien plus onirique qu’à l’accoutumée ce qui le rapproche donc beaucoup du « Donnie Darko » de Richard Kelly. Même dans les teintes de son univers (du violet ici contre du bleu pour le film avec le lapin géant) il y a des similitudes. Ce qui ajoute à son étrangeté tout en lui donnant un certain charme encore plus singulier, c’est son côté vintage. En effet, le film se déroule au milieu des années 90 et au début des années 2000 puisqu’on y parle d’une époque où le Net n’existait pas et où certains jeunes se réfugiaient dans les univers de leurs séries télé préférés. Cela change donc de leur addiction aux réseaux sociaux et à Internet pour s’évader comme dans la majorité de films contemporains sur le sujet. La série en question, qui permet ici à deux adolescents mal dans leur peau et leur foyer pour différentes raisons de se trouver un refuge imaginaire, est symptomatique de cette période. Et « I saw the TV glow » de plonger en plein dans la frontière entre la fiction de cette série kitsch et trash et la réalité morose de leur quotidien. En l’occurrence, ladite série, « The Pink Opaque », est un mélange entre « Buffy contre les vampires », une aventure de Jules Verne ou encore « Charmed et se présente comme une caricature de ce type de programme en plus cheap. On ressent ici beaucoup la mélancolie et le spleen adolescent, mais cet univers désincarné et sombre nous fout le cafard. Certaines scènes étranges parviennent à nous émerveiller le temps d’un instant mais on a du mal à rentrer totalement dans les délires visuels et abstraits de la cinéaste. Il ne manque pas grand-chose pour qu’on adhère mais le film a du mal à nous happer complètement. Peut-être une question d’humeur, de moment ou de tempérament...


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JorikVesperhaven
5

Créée

le 31 mai 2024

Critique lue 841 fois

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Rémy Fiers

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