C’est un truc que je dis souvent, qu’on me conteste presque à chaque fois mais qui, ces derniers temps, se vérifient systématiquement : les introductions au carton dans le cinéma contemporain, c’est quand même souvent l’annonciation du pire en termes de narration…
Et là – concernant cet « Il Divo » – ce n’est pas un seul carton qui ouvre le film. Ni même deux. Ni même trois. Mais bien cinq cartons, mesdames et messieurs !
Oui. Cinq putains de plâtrées de texte !
45 foutues lignes (oui j’ai compté) pour m’expliquer des trucs que – visiblement – le film n’a pas jugé nécessaire / possible / souhaitable d’intégrer dans son intrigue !
Est-ce que ça, déjà, ce n’est pas un bel aveu d’échec, non ?
Mais bon, j’ai essayé de ne pas m’attarder là-dessus.
D’accord, en trente secondes de lecture, cette introduction venait déjà de me dire tout ce que j’allais voir dans les grandes longueurs sans vraiment laisser de place à la surprise mais bon… On m’a tellement recommandé ce film que – forcément – il fallait que je sache passer outre et que je m’ouvre au reste.
Après tout, peut-être qu’au-delà de tout ça, cet « Il Divo » avait autre chose de plus intéressant à raconter.
Peut-être qu’aussi son intérêt se trouvait en fait totalement ailleurs…
Eh bah désolé mais – encore une fois – ma suspicion s’est avérée exacte.
« Il Divo » c’est un film plat. C’est un film incroyablement statique et bavard.
Il observe l’Etat dans son sens étymologique du terme. Status. Il se tient là. Il ne bouge pas. Et on l’observe dans toute son inertie, voire dans toute sa beauté sacrale.
Alors après – c’est vrai – ça pourrait avoir son intérêt.
Après tout, on retrouve bien un peu de ça dans « Youth » ou dans « The Young Pope » – deux autres réalisations de Paolo Sorrentino ultérieures à cet « Il Divo » – et que ’avais plutôt aimé.
Mais là, pour moi, ça ne fonctionne pas du tout, et cela pour plusieurs raisons.
D’une part je trouve déjà que ça ne fonctionne pas d’un point de vue formel.
Dès le départ, Sorrentino multiplie les jeux de lumière, les mouvements, les cadres interpellants. Pris un par un ces artifices sont certes plastiquement très élégants, maitrisés, mais combinés tous ensemble ils constituent une démonstration qui sombre totalement dans le m’as-tu-vu tant ils jurent au regard de la démarche narrative engagée.
Désolé Paolo, mais si tu voulais révéler toute la beauté d’un Etat en place – et cela quelque-soit sa vertu – il fallait savoir se poser. Il fallait mesurer. Il fallait choisir.
Là, entre d’un côté une mise en scène qui en fait des caisses à grands coups de typographies rouge-sang, de ralentis, de musiques omniprésentes et de l’autre une intrigue atone où on en bouge que pour ne rien bouger, il y a un effet de contraste qui s’opère et que, pour ma part, j’ai trouvé des plus horripilants.
Parce qu’en plus, il a fallu qu’il ne passe rien dans ce film !
On se réunit. On parle. On commente. On négocie. Tout ça pour permettre au clan Andreotti de rester en place.
Tout au fond se veut au service de l’iconisation d’un « parrain » mais sans pour autant qu’aucun effet ne puisse vraiment porter.
Pour sa part l’image abuse des scènes cherchant à rapprocher le bon Giulio des figures sacrées de mafieux que le cinéma a su ériger, allant jusqu’à singer assez risiblement la scène des « Incorruptibles » durant laquelle Robert de Niro / Al Capone se fait faire la barbe.
Quant à la parole, elle passe son temps à décrire, contempler et s’auto-contempler, verbalisant ce que la mise-en-scène peine à retranscrire au travers d’un langage purement cinématographique…
(Bah oui, comme quoi ces cinq cartons introductifs annonçaient bien quelque-chose…)
D’ailleurs, d’une certaine manière, tout ce film pourrait se résumer à son seul personnage principal Giulio Andreotti.
Rien chez lui ne fonctionne. Tout sonne faux.
De ses répliques faussement hautes d’esprit qui se révèlent en fait vides de contenu au ton artificiellement monocorde qu’adopte en permanence son interprète Toni Servillo.
De ses prothèses d’oreilles à la Yoda à ce maquillage incapable de masquer convenablement la délimitation entre le vrai front de l’acteur et sa capuche en latex.
Andreotti dans ce film est moche. Il est faux. Il est plat.
Et pire que tout : il est vain.
Comme un symbole, cet « Il Divo » se conclut sur le tube des années 80 : « Da Da Da ».
Que ceux qui ne connaissent pas cette chanson cliquent ici (…mais vraiment : faites-le !) afin qu’ils puissent se faire leur propre idée.
En toute honnêteté, cette musique, est-ce que, vous, vous l’auriez choisie pour qu’elle conclue un film sur la lourde contemplation d'un l’Etat ; sur d’iconisation d’un parrain jusque dans sa chute ?
Pour moi, cette conclusion – comme l’introduction en cinq cartons – dit presque tout de ce qu’est ce film.
« Il Divo » c’est un agrégat bancal d’éléments qui, pris séparément, auraient de quoi séduire mais qui, dans l’ensemble, forment une coquille certes bien clinquante mais qui au final se révèle en définitive totalement creuse.
Terrible que ce film qui s’espérait « divin » mais qui n’est en fin de compte que « vain »…
Comme quoi, quand on commence son récit avec un carton d’introduction…