Forcément, la merde, ça éclabousse
Philosophiquement, le film m'a semblé juste. Sociologiquement et historiquement aussi, dans la manière de dépeindre une époque (même si ce n'est pas notre planète, soi-disant) ; la reconstitution est aussi riche que juste.
Scéniquement, je suis complètement pris par le film. J'ai eu l'impression de voir un mélange entre Gilliam et Jodorowski. Le noir et blanc sied à merveille à ce monde dégueulasse ; les costumes sont bien sales, convaincants ; les décors réels et toute cette boue font de ce film une véritable beauté, sans parler des pluies, du brouillard et de la neige pour amener une autre dimension aux cadres. Le réalisateur parvient vraiment à restituer la vie devant son cadre, et même en dehors, ca tout bouge tout le temps, comme s'il s'agissait d'un reportage fait à l'arrache dans une banlieue. Les acteurs sont très bons aussi, que ce soit le héros qui porte le film sur son dos ou tous les figurants. Les nombreux regards caméra renforcent l'aspect réaliste du film.
Néanmoins, sur la longueur, le procédé finit par lasser. Le réalisateur filme chaque scène de la même manière, c'est redondant, répétitif... et ennuyeux. Mais c'est la faute à une durée excessivement longue aussi.
Narrativement, c'est incroyablement pauvre. En même temps, avec un pitch pareil, que raconter qui s'inscrive dans les règles de la dramaturgie ? Je suis curieux de découvrir le livre dont est tiré le film mais aussi la première adaptation réalisée dans les années 80.
Il n'y a pas vraiment d'histoire. On suit le personnage principal, ses interventions au sein du peuple. L'on découvre que, effectivement, ce n'est pas facile d'être un Dieu. Ce n'est pas facile pour une poignée d'homme de vouloir changer le monde. L'on découvre surtout que le contexte change grandement un homme, car au final, ce Dieu n'est plus vraiment différent du peuple qu'il tente d'aider. C'est comme s'il avait régressé. Mais là je ne parle déjà plus du scénario, mais bien des messages enfouis. Le fait, c'est difficile de parler du scénario. L'auteur n'en présente pas réellement, il s'agit surtout d'illustrer ces convictions. Pas de construction de personnage, pas d'intrigue, pas de conflits, pas de résolutions... rien... juste la mise en image d'une idée. Si au moins cela n'avait duré que 1h30, ça passerait, mais là, trois heures de vide. Trois heures d'étirement inutile, inutile car le point a été fait après 20 minutes... Heureusement, ce n'est pas totalement vide. Il reste quelques situations intéressantes, des dialogues absurdes qui, même s'ils lassent de par leur redondance (forcément, après trois heures...), donc tout n'est pas à jeter de ce côté-là. Mais ça reste terriblement pauvre. Et si l'auteur a voulu marcher dans les pas de Tarkovski, le résultat diffère. Car Tarko, du peu que j'en ai vu, inscrit malgré tout un minimum de narration, un fil conducteur, un enjeu avec quelques conflits, des résolutions, des attentes.
Bref, "Hard to be a God" est un film atypique, le genre qui restera obscur et apprécié dans 20 ans de la même manière qu'aujourd'hui on se plaît à découvrir des petits OFNI du passé, un film qui intéresse et captive déjà aujourd'hui, par son ambition démesurée, par ses images fortes, mais qui reste un semi-échec ou une semi-réussite, à cause d'une narration, au final, très pauvre.