Il y a du Wittgenstein dans cette affaire là : « Ce qui peut être montré ne peut être dit. ». Les mots s’arrêtent à la lisière du dernier opus de Guerman, c’est le royaume de l’image (im)pure. C’est pas peu dire toutefois qu’on s’en prend plein la tronche, jusqu’à l’écœurement. La caméra désemparée enregistre, trouvant difficilement sa place dans ce flot ininterrompu de coups, de pisse, de crachats, de corps ensanglantées, martyrisés, une plongée en apnée dans un tableau de Bosch vivant.
« Le monde est tout ce qui a lieu » disait Ludwig, et Difficile d’être un dieu en est l’illustration complète, de la première à la dernière seconde. Un monde en décomposition, qui vous rejette et vous agrippe, qui vous griffe et vous tord, acte désespéré comme pour montrer avant de crever que oui, le Cinéma peut être un art, mais que le prix à payer est exorbitant.
On ressort de là tanguant, plus grand chose quand on retrouve les rues mornes de la ville ne semble très pertinent. Les tièdes peuvent se réjouir, Guerman est mort, un de moins. L’armée s’éclaircit. Le voilà comme son film du côté du silence. Guerman était un intransigeant, un des rares qui allait jusqu’au bout. Au bout d’un médium qui n’a rien à dire, qui bien employé n’est là que pour représenter, laisser les bulles dans la boue bouillonner. Il avait je crois saisi la leçon ultime du Tractatus : « Sur ce dont on ne peut parler, il faut garder le silence. »