Plongée de 3 heures dans un univers de boue, d'excréments et de folie, sur les pas d'un demi dieu envoyé sur cette planète goulag, peuplée de freaks fracassés, illuminés vivant dans une société au degré 0 de la civilisation. Ne pas chercher la narration. J'ai assisté à l'avant première présentée par Svetlana Carmalita, compagne du réalisateur aujourd'hui décédé et co scénariste de ce pamphlet en noir et blanc terriblement fascinant par l'atroce beauté de ses images. Svetlana a commencé à mettre le public en garde : ceux qui ne tiendraient pas durant les 90 premières minutes, qui sont en quelque sorte la scène d'exposition, ne rentreraient pas dans le film. Et en effet, on a l'impression d'être trainé dans cette gadoue omniprésente, sous des averses glaciales où Don Rumata arrache des nez en riant et parvient à rester debout quoique titubant dans la folie de ce qu'il reste des hommes. Là on peut vraiment parler de nuances de gris, dans ces plans séquences baroques et ténébreux, foisonnants (Bosh présent à tous les étages...),
qui semblent imploser littéralement. Ne pas chercher le sens mais vivre le film comme une expérience, car c'en est une, certaines images restent littéralement gravées dans la mémoire, tant elles sont puissantes. La caméra est intégrée comme un personnage (témoin?) auxquels on s'adresse par mimiques ou par invectives, le film est habité de dialogues dont on ne sait pas trop qui les prononce car c'est sans importance, finalement. Un film monde (terrible), qui évoque à la fois un état de la Russie et un état de l'humanité. Car enfin s'il est difficile d'être un dieu, que dire d'être un homme...