Un air d'harmonica annonce la couleur : Charles Bronson rode dans les parages. Qui est l'homme à l'harmonica ? Pourquoi cherche-t-il Frank ? Mystère. Le grand jeu sanglant de cache-cache commence. De temps en temps à la suite de son refrain, le petit sourire d'Harmonica se pointe - tel le chat du Cheshire. Le film commence dans la gare de Flagstone, investie par une bande de tueurs, qui enferment le chef de gare et attendent le prochain train. Une éolienne grinçante, dominant un château d'eau, tourne près de la voie ferrée. Des gouttes tombent, une à une, ploc ploc, sur le chapeau d'un desperado. Sous une chaleur de plomb, son compère s'agace d'une mouche qui va et vient sur son visage en sueur... Ces languissantes minutes d'attente silencieuse se concluent par des giclées de plomb entre le voyageur à l'harmonica et son trio d'accueil. Le claquement des balles ponctuera tout le film, comme l'air d'harmonica ou la musique souvent lyrique d'Ennio Morricone.
La conquête de l'ouest est une odyssée du provisoire, la vie se concentre à l'extérieur. Le film montre peu d'intérieurs. La gare de Flagstone, une grande auberge écurie, le saloon où le shérif préside une vente aux enchères, même la chambre d'hôtel de Jill (Claudia Cardinale) sont des lieux publics. Un des rares espaces privés est la maison de McBain, où Jill arrive pour se marier. Mais une surprise désagréable l'y attend... Le train est le vecteur de cette conquête de l'espace, autour d'une gare nouvelle se construit une ville. Morton, patron du chemin de fer et riche infirme, compense sa perte humiliante d'autonomie en roulant en train privé. Il paye Frank pour éliminer des gêneurs comme McBain. Ce dernier a acheté la propriété de Sweet Water, où jaillit la seule source de la région. Le train à vapeur a besoin d'eau et McBain deviendra riche en bâtissant chez lui une nouvelle gare et donc une future ville. Les hommes de mains de Morton le surnomment Tchou-Tchou, mais mourront comme des mouches (tsé-tsé ?).
Les personnages principaux ont des idées derrière la tête, cachent une bonne part de leurs motivations et certains préservent de lourds secrets. Qui est la belle Jill, venue en train de la Nouvelle Orléans épouser un fermier veuf doté de trois enfants ? Qui est Frank, dont la cruauté ne s'embarrasse d'aucune pitié ? Henry Fonda employé à contre-emploi est un psychopathe crédible, qui aime tuer et humilier. Finis les rôles de braves types honnêtes et positifs ! A la sortie du film, le public américain a goûté modérément ce rôle de méchant sans scrupule... Cheyenne, chef du gang aux gabardines, échappe à la police au cours d'un transfert vers une prison. Accusé faussement d'un massacre par Frank, Cheyenne aide Harmonica, ce qui complique le jeu de cache-cache et multiplie les victimes.
"Il était une fois dans l'ouest" est un excellent western, joué par des acteurs au sommet de leur art. Les personnages de Frank et d'Harmonica sont au coeur d'un double conflit : la lutte autour de l'arrivée du chemin de fer à Flagstone et le contentieux féroce entre eux. Ennio Morricone nous plonge dans un univers musical ou sonore expressif qui magnifie l'émotion des scènes violentes ou lyriques. La mise en scène efficace de Sergio Leone distille les informations au compte gouttes, conserve longtemps le mystère sur les motivations d'anti-héros à la gâchette facile. Le film multiplie les savants cadrages : plongées ou contre-plongées, caméra placée sous un angle insolite. Seule réticence, je trouve certains gros plans trop appuyés, trop longs. Toute figure de style interminable vire au cliché...