Sur le nouveau montage Director's Cut de 2015, copie restaurée 4K de 4h11 :


L'ajout de scènes, dont l'image abîmée mais rattrapée au mieux par les restaurateurs, pourrait au départ laisser blasé : à quoi bon encore rallonger à un film de déjà 3h49 et qui a déjà connu 11 montages différents ? Et pourtant cet ajout, s'il est au visionnage parfaitement visible (souvenirs de scènes que l'on ne connaît pas + image médiocre, presque dé-colorisée, qui fait tâche) est bénéfique et, certes rallongeant le film de presque 25 minutes, lui donne une plus grande consistance, nous y fait nous y plonger encore plus en profondeur. Ces scènes pourtant anodines donne un sens à certaines positions d'acteurs, font devenir personnages ceux qui n'étaient que simples figurants (ou bien inexistants), et se glissent avec aisance, comme des clés de lectures cachées, entre deux scènes fameuses.


Sur le film, en lui-même :


On l'a dit, on le dit encore et on continuera à le dire ; Il Etait Une Fois en Amerique est un absolu chef d'oeuvre, et sa portée lyrique, son universalité, sa postérité encore de nos jours ne font que le confirmer.
Je vais donc tâcher de répéter en bonne et due forme toutes les qualités de ce film, que l'on a déjà souvent avant avant moi, et surement mieux, énoncée. On est là face à une fresque immense, une oeuvre surpuissante, un film testament, icône à lui tout seul de ce que le cinéma a fait et fera de meilleur ; on est là face à une vie. Et l'avantage d'une plongée aussi riche et longue dans un tel film nous donne l'impression, une fois le générique entièrement défilé, les lumières rallumées, de perdre une part de nous-mêmes, comme s'il avait été question de nous, de notre vie.
Sergio Leone, dont c'est ici le dernier film, et surement son meilleur, signe un des films les plus justes jamais fait sur le regard que l'on peut porter à son passé, sur l'enfance, qu'il croque avec émerveillement, violence et candeur, et en filigrane sur un pan majeur de l'histoire de l'Amérique, comme le titre ne fait que le souligner.
Il jongle avec aisance avec des thèmes universaux on ne peut plus émouvants et puissants comme l'amour d'une vie, l'amitié trahie, le pardon, la violence (réaliste et brutale, marquante), la criminalité, le désir de possession, le sexe (qu'il veut ici animal, quitte à choquer)...
Robert de Niro qui incarne cet homme que l'on suit de sa jeune adolescence à sa vieillesse dans le New-York de la fin des années 60, porte sur ses épaules la quasi entièreté du film (même s'il est solidement soutenu par de brillants seconds rôles et un acteur troublant de ressemblance pour jouer son personnage enfant) et nous livre l'une de ses plus belles partition, d'autant plus troublante qu'elle n'est aucunement jugée et que seul un regard émouvant et mélancolique est porté sur cette vie ratée, représentée à l'écran par une construction chronologique complexe mais, qu'avec son talent, Leone sait rendre fluide. On est durant plus de 4 heures, massives, face au constat d'une vie tragique, mouvementée, dont l'intrigue révèle tout autant les moments durs, humiliants, que les délices et moments de grâces.
Dans un travail d'orfèvre, Sergio Leone nous livre l'accomplissement de son style et de sa carrière de metteur en scène ; chaque un plan est une merveille, avec un sens aigu du cadre, des couleurs, des éclairages, une précision infinie dans les détails, les costumes et les décors, de la chambre la plus intime au palais d'opium ténébreux, en passant par de magistrales scènes de rues qu'il donne à voir comme d'impressionantes chorégraphies millimétrées.
Et bien évidemment, au delà de l'intrigue, c'est ce sentiment de mystère et d'accomplissement qui accompagne les dernières minutes. Brisant à nouveau et pour la dernière fois, la chronologie de son intrigue, Sergio Leone sème le doute.
Peut être tout cela n'était-il que le rêve, que le délire d'un homme désemparé par la violente perte de ses trois amis, par sa traîtrise immonde qui en est à l'origine, et qui pour fuir la tragique vérité, la perte de tout, fantasme une existence, une vie entière qui s'évanouit dans des volutes d'opium et sur un sourire béat.

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le 3 avr. 2016

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Charles Dubois

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