Le premier plan de Il était une fois en Anatolie figure au rang des plus belles ouvertures de cinéma ; au crépuscule, une route de montagne scinde la nature, et le soleil se lève. Ce qui s'ensuit est une méditation à voix basse sur la vie et la mort, sous prétexte d'intrigue policière. À la recherche d'un corps disparu, ils vont de puits en points d'eau, tentent de différencier les arbustes pour retrouver le lieu de l'inhumation hâtive. Sur le chemin, tout se rapport à la mort non pas comme fin de vie mais comme une continuation dont les personnages ne savent trop que faire. Ils débattent sur la fermentation du yaourt et écoutent d'une oreille les revendications d'un maire de village qui leur demande de l'argent pour l'installation d'une morgue ; le temps que les enfants reviennent des pays où ils ont émigrés pour enterrer leurs parents, les corps des vieux commencent leur processus de putréfaction. L'on sent ces petits gendarmes lassés de la nuit, de leur quête, et de leur propre devoir de rendre aux morts les rites qui leurs reviennent. Pourtant, des éclairs de vie jaillissent ici et là, désordonnant les protocoles au creux de la mort elle-même. Et tandis que le film s'ouvre sur un paysage, il s'éteint sur une dernière image de corps, défunt, lavé, et digne. Au loin, un enfant court vers sa mère.