Il était une fois en Anatolie par Pimprenelle
"Film turc qui a obtenu le grand prix à Cannes". Bizarrement, ca rend méfiant. Ca va être soit d'une profondeur épatante et on va en ressortir changé, soit on va bien s'emmerder.
Manque de bol, la deuxième possibilité s'étale devant nous sur plus de 2h, pour finir par intéresser dans sa dernière demi-heure. Pourtant il y avait du potentiel avec cette histoire d'enquête en terre inconnue, authentique, avec de vrais gens dedans, loin des clichés du genre. Je ne vais pas vous baver une tartine longue comme un billet de l'Odieux Connard. Sachez juste que durant 40 minutes on voit des phares de voitures qui bougent dans un décor qu'on ne voit pas (c'est la nuit), sans dialogue, sans rien, juste le bruit lointain des moteurs, et durant 40 autres minutes on voit le visage d'un protagoniste en gros plan, l'air fermé, silencieux, l'oeil dur, la barbe de 3 jours, censé suggérer une réflexion, une souffrance, que sais-je? mais quelques chose d'assurément "profond" et "humain" qui a surtout l'avantage de rapporter 2 points illico dans un barème de festival.
Vous vous dites sûrement, à ce niveau de la critique, que je suis du genre anti-contemplatif, rebuté par le moindre plan de plus de 5 secondes et qui ne jure que par les montages à la Edgar Wright (que j'adore au passage). Du tout ! Je dirais même que je suis très tolérant à tout ce que le cinéma peut donner de "lent/silencieux/contemplatif", à la seule condition que ça serve à quelque chose, à l'histoire, à l'ambiance, au propos. Or ici 1h20 du film (la moitié!) tourne sur ce mode, sans la moindre nécessité. Qu'on laisse du temps au spectateur pour réfléchir à l'histoire ou qu'on le questionne sur les états d'âme d'un personnage pendant 5 minutes soit, mais quand il y a matière à, pas intempestivement (c'est assez paradoxal) alors qu'il ne s'est encore rien passé de notable.
Dommage donc que l'enquête, les dialogues et les personnages se trouvent ainsi dilués dans autant de vide, car justement le déroulement de l'intrigue est subtil et bien amené, par petites touches, qui densifie progressivement tous les protagonistes. Gage de l'intelligence du scénario, la fin, ni ouverte ni explicative, donne à penser jusqu'au lendemain. Scénario qui brille par la qualité des questions morales et humaines qu'il soulève.