Le chasseur, l'appât et la proie.
Tel est le sous-titre, façon western de Sergio Leone, que l'on peut attribuer à ce film trop méconnu.
Un passionnant thriller politique qui repose sur trois personnages clés. Que l'on regarde évoluer avec énormément d'intérêt tant les remarquables acteurs qui les incarnent ont su exprimer le meilleur d'eux-mêmes pour leur donner une consistance ; et, surtout, une densité dramatique tout à fait admirables.
Le chasseur, c'est Philippe Noiret, patron d'une police parallèle française.
L'appât, c'est Jean Rochefort, un homme à la dérive que sa femme vient de quitter et qui va être placé au centre d'une sordide machination.
Quant à la proie, c'est Lisa Kreuser, cette Birgit Haas, terroriste allemande qui a cessé toute activité révolutionnaire.
Les personnages ainsi posés, le scénario prend corps naturellement. Moyennant certaines infos expliquant la chute des ventes d'armes françaises au niveau européen, les services allemands spécialisés dans la lutte anti-terroriste demandent à leurs homologues de l'Hexagone de "s'occuper" à leur place de Birgit Haas. En clair, la supprimer sans que l'on pense à un assassinat politique. Prétexte vite trouvé : faire croire qu'elle a été victime d'un crime passionnel...
Le film de Laurent Heynemann ("La Question", "Le mors aux dents") est bâti de telle façon que, dès les premières séquences, on se place résolument du côté de la proie. Elle qui a intuitivement conscience du danger la menaçant, mais qui ne sait ni de quel côté il va surgir ni sous quelle forme. Et le spectateur est ainsi tenu habilement en haleine par le fait qu'il assiste, impuissant, à la mise de l'inexorable : chasseur, appât et proie peu à peu réunis dans "le cercle rouge" !
A priori, juste une rencontre, un début de liaison, vulnérabilité féminine et timidité masculine en duo amoureux... En réalité, deux victimes toutes désignées face aux "intérêts supérieurs" - Ah ! Pudique formule servant à masquer bien des scandales, magouilles, éliminations, effusions de sang ! - de deux puissances occidentales.
Ces "intérêts supérieurs" qu'incarne de façon à la fois fascinante et stupéfiante Philippe Noiret. Il réussit le tour de force de ne pas rendre son personnage totalement mauvais, antipathique. Faisant tour à tour preuve de cynisme et de générosité, d'une froide détermination et d'une certaine chaleur humaine.
En face de lui, Jean Rochefort, dont l'immense talent crève l'écran une nouvelle fois, tant il a su donner à son personnage les traits de caractère essentiels pour qu'il apparaisse tel qu'il devait être : un jouet, un pion sur un échiquier...
Quant à Lisa Kreuser, elle interprète de façon poignante cette ancienne révoltée qui sait que l'on veut sa peau et qui n'a donc plus rien à perdre. D'avoir su exprimer, avec toutes les nuances possibles, cette lucidité quasi-suicidaire, est bien le fait d'une actrice accomplie !
"Il faut tuer Birgit Haas" n'est vraiment pas un film à assassiner !