Avec Il reste encore demain, Paola Cortellesi mélange les époques et les références cinématographiques pour donner à l’histoire de Delia un caractère plus intemporel et universel (en tout cas à l’échelle de l’Italie, où le film semble avoir atteint ses objectifs.
Le film nous plonge ainsi dans la Rome de l’après-guerre, une société plutôt désenchantée, violente et amère, où chacun se console dans la misère de l’autre, et où ceux qui ont réussi sont souvent des profiteurs de guerre. C’est un climat de violences familiale quotidien et répandu, où les femmes n’ont ni droit de parole ni de cité. Delia cherche chaque jour à survivre, poussée par les espoirs qu’elle place dans sa fille, par ses instants volés avec ses amies au marché ou dans la cour et par l’imminence de l’ouverture du droit de vote des femmes.
La force du film, et peut-être ce qui a contribué à son succès, c’est avant tout son rythme et son ton. Paola Cortellesi, bien que citant le néoréalisme italien, refuse tout forme d’apitoiement ou de misérabilisme, et confronte la dureté avec l’ironie et l’humour. Elle fait également le choix, surement clivant, de transformer les violences conjugales en danse sous emprise. Le film a également un format très populaire, il cite joyeusement différents courants du cinéma italien, ose le décalage et les anachronismes, au service d’une narration fluide, d’un décalage de ton et de certaines surprises çà et là.
Bien sûr, on peut à l’opposé déplorer que le style manque de maitrise. Le noir et blanc est peu travaillé et souvent plat, et il faut un petit temps pour s’accommoder du style d’humour outrancier. Là aussi, le film n’est pas constant, devenant plus sérieux et plus construit, jusqu’à un final écartelé entre réalisme et démonstration symbolique. On peut reprocher également un jeu d’acteur inégal là aussi, qui s’affirme au fur et à mesure, ou encore des effets de scénarios parfois grotesques comme l’explosion du café, ou le papier qui tombe de sa poche ; surement peu aidée par une réalisation un peu trop pédagogique.
On peut enfin se demander quel message nous devons retenir du film. Certes, il est un hymne à l’émancipation et la liberté, à une certaine résilience et à une lutte contre le déterminisme sociétal. Pourtant Delia rentrera chez elle le soir, et les choses n’auront pas profondément changé. On comprend la portée symbolique du film, à une époque où les combats pour les droits civiques semblent appartenir au passé et que ces mêmes droits semblent de plus en plus en péril. Le film sonne plus comme un conte, un avertissement d’un retour.
Paola Cortellesi porte ici un très grand rôle, mais reste encore brouillon en réalisation et dans l’intention du film. J’en retient plus l’humour savamment placé que la vision sociétale. Mais, ne boudons pas non plus notre plaisir comme de vieux cyniques, on passe un très bon moment devant le film.