"C'è ancora domani", le "film phénomène italien aux 5 millions d'entrées", le bon vieux slogan marketing qui s'appuie sur la psychologie des masses pour attirer le public dans les salles obscures, qui sous-entend (surtout) que si tu ne vas pas voir ce film c’est que tu n'es pas dans le "mood" de cette société de consommation qui fonctionne essentiellement sur un sentimentalisme exacerbé et un mimétisme préoccupant.
Les "Vacanze di Natale", bons gros navets italiens des fêtes de Noël en Italie, attirent eux aussi des millions de spectateurs en seulement quelques jours. Et ça n'en fait pas autant des chefs-d'œuvre !
En voyant l'affiche du film et en lisant le pitch, j'avais de prime abord pensé au chef d'oeuvre d'Ettore Scola : "Une Journée Particulière" sorti en 1977, avec le duo sublime Sophia Loren / Marcello Mastroiani. Ce couple improbable bani de la société fasciste de Mussolini, l'une parce que femme (au foyer) et l'autre parce qu'homosexuel, interdits tous deux de défilé lors de la venue, à Rome, de Hitler le 6 mai 1938, accueilli par le Duce... Une analyse d’une rare prodondeur de la société fasciste italienne. Avec, récemment, le retour de l'extrême droite au pouvoir en Italie et la remontée d'un néo-fascisme nauséeux, la comparaison n'aurait pas été si malvenue que ça, finalement !
Donc, il "fallait" voir ce film !
Au sortir de ce "C'è Ancora Domani", j'avoue m'être posé la question de savoir si, vraiment, je n'avais absolument rien compris et étais complètement passé à côté de cette effervescence médiatico-populaire autour de ce "film phénomène" traduit en Français par "Il Reste Encore Demain" (que j’aurais plutôt traduit littéralement par « Il y a encore demain »), ou si c'était plutôt le film qui était mal écrit, mal construit et surtout sans une idée directrice forte et une forme cohérente à lui donner pour en faire un récit bien structuré.
La nuit portant conseil, je crois en effet que ce premier film, écrit, dirigé et interprété par Paola Cortellesi est mal écrit, mal dirigé et surtout un film qui par manque de fondations scénaristiques et formelles flotte dans une espèce d'indécision permanente. Autant, dès les premières images, "Une Journée Particulière" posait les bases d'un récit puissant et cohérent, autant ici, une fois qu'on a passé le stade de la mise en place, on se demande de plus en plus quand viendra le second souffle du film.
Et on l'attend toujours... Car une fois que le film a posé les bases de ses intentions, on sent bien que derrière, la réalisatrice, comme c’est souvent le cas des premiers films, ne sait plus bien comment poursuivre l’aventure. « C’è Ancora Domani » a la maladresse des films indignés et vindicatifs, une fois poussé le premier cri d’indignation, ne reste plus qu’un vide difficile à combler. La réalisatrice essaie de se sortir de cette vacuité en prenant pour modèle deux références, qu’elle exploite assez maladroitement : « Una Gionata Particolare » d’Ettore Scola et « La Vita è Bella » de Roberrto Benigni sorti en 1997. Et ça se sent à plein nez !
Mais n’est pas Ettore Scola et Roberto Benigni qui veut ! Là où « Une Journée Particulière » et « La Vie est Belle » brillait par beaucoup de profondeur et une grande subtilité, à la fois dans l’écriture et la réalisation, « Il Reste Encore Demain » reste superficiel et brouillon, accumulant les clichés idéologiques, scénaristiques et formels pour mieux recouvrir l’absence de profondeur et de subtilité de ce film. Le paradoxe d’introduire de la dérision et de la légèreté dans un récit d’une grande noirceur à la Ettore Scola (ce qu’avait magnifiquement fait « La Vie est Belle »), ne fait pas de ce fait là une bonne idée. Encore faut-il le faire avec beaucoup de subtilité et d’intelligence. Ce qui n’est pas le cas ici.
Certes, la dénonciation de la condition féminine en Italie dans l’après guerre et les violences faites aux femmes dans une société italienne hyper machiste et terriblement patriarcale, est une intention louable. Mais, au-delà du fait que ce n’est pas une nouveauté, l’intention seule ne suffit pas à faire un bon film. C’est surtout la qualité de sa conceptualisation et de sa mise en image qui en feront un film réussi ! Voire un grand film. Là, on est dans la simplification, parfois vraiment naïve et simpliste, et dans l’accumulation de lieux communs intellectuels et de clichés de mise en scène, qui viennent littéralement plomber la bonne intention du film.
Avoir l’intention de dénoncer des injustices sociales ancestrales et les dénoncer avec vigueur, c’est une chose. Un intention louable ! Les mettre en image brillament dans un film, c’en est une autre. Et c’est très compliqué de fusionner ces deux aspects de manière magistrale. N’est pas Ettore Scola ou Roberto Benigni qui veut. C'est évident !