Qui aurait cru qu'un film au message féministe assumé, réalisé en noir et blanc, sur une Italie qui sort tout juste de la guerre, fasse un énorme carton à sa sortie en terre natale, jusqu'à en devenir le 5ème plus gros succès de l'histoire du pays ? Sans doute que Paola Cortellesi n'y croyait pas elle même lorsqu'elle a entreprit la réalisation de son premier film C'è ancora domani, même en y mettant les meilleures intentions possible. Pourtant, le succès critique fut retentissant et le public a suivi. Il reste encore demain est devenu un grand film populaire.
Le film ne sortant que maintenant en France et en Belgique, je le découvre avec un peu de retard et beaucoup d'impatience. Le film s'ouvre sur un plan fixe dans un superbe noir et plan, interrompu par une baffe qui vient dynamiter la scène. Dès la première scène, me voilà conquis, le ton est donné, tout est déjà dit :
- Le film va parler de la place de la femme, sans cesse rabaissée dans cette société italienne des années 50's composée d'hommes machos.
- Le film va employer un ton léger, comique, satirique, à la limite de la caricature.
- Le film, avec son noir et blanc, son italien chantant et ses musiques entrainantes, nous installe dans une ambiance qui nous rappelle le grand cinéma des années d'après-guerre.
Tout ça va se vérifier et s'accentuer tout au long du métrage. Tout le long du film, le sujet du patriarcat est traité sérieusement, avec de la profondeur, mais toujours avec un ton léger. C'est vraiment la plus grande force du film. La domination est montrée dans le couple, mais on comprend bien que c'est une affaire systémique. Cela traverse les générations (cf. le grand père et le copain de la fille) et les classes sociales (cf. le repas avec les beaux parents). Le film est très drôle sans jamais être ridicule, il parvient à tenir sur le fil du burlesque mais ne se vautre jamais dans le pathétique ou dans l'idiotie.
Ce ton est renforcé par la caractérisation des personnages. A part le personnage de Delia (interprété par la réalisatrice elle même), touts les personnages sont archétypaux. Ils sont caractérisés par un élément, et ça ne bougera pas. En d'autres circonstances, j'aurais vu cela comme un élément négatif, desservant le récit. Ce n'est pas le cas ici. Au contraire, cela permet d'abord de donner plus de profondeur au personnage de Delia, mais cela permet surtout de renforcer ce ton caricatural, au sens littéral du terme. Paolla Cortellesi use de ce procédé comique, elle grossit les traits pour mieux faire voir d'autres choses.
Tout ces éléments, et c'est déjà beaucoup, s'incèrent dans une œuvre qui, malgré un noir et blanc qui je le répète est magnifique, sent bon l'été et la douceur du soleil. Cette ambiance chatoyante s'entrecoupe de certains moments de grâce accompagnés de musique de variété italienne (cf. la danse conjugale ou la rencontre avec le mécano), ou des moments en dehors du temps du film, accompagnés de musiques actuelles.
On le comprend, j'ai beaucoup aimé cette proposition. Si l'annonce d'un film noir et blanc italien peut faire peur à un public non averti, je recommande tout de même de passer au-dessus de ces craintes. Le film est ultra accessible, c'est un vrai bon film populaire avec un message intelligent.